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Le début de la fin

Hier je m’en suis pris méchamment, bêtement, gratuitement aux petits vieux, vue insolemment de ma jeunesse triomphante dans une société refusant la mort et essayant génétiquement de nous rendre immortel.
Voici donc la seconde partie de cette chronique où la vieillesse est avant tout mentale, et non physique. Dans la tête. Je connais des jeunes de 30 ans qui ont une vie de vieux. Mais là honneurs aux vétérans,. Le Festival de Cannes n’a pas fait beaucoup de place - tout du moins dans la prestigieuse compétition officielle - aux nouveaux talents : seulement 6 noms inconnus de la Sélection, un seul premier film, et donc beaucoup d’habitués.
La question à se poser est de savoir si on peut dire du mal de films signés des noms les plus respectueux ; Godard, Lynch, Oliveira, Makhmalbaf, Kiarostami, Imamura... Après tout, aucun artiste n’est à l’abri d’un ratage. Même s’il est présenté à Cannes.
Mais sous prétexte qu’ils sont incontournables, on n’ose les critiquer. On laisse sont portable branché dans la salle mais on sait d’avance que le papier ne sera pas assassin. Le respect mal placé, en quelques sortes.
Il y a une sorte de « pas touche » autour de leur aura qui est parfois agaçant. Le cartel des critiques parisiens n’est même plus imprévisible tant on sait quel cinéma a leur soutien. Leur encensement est souvent partisan, subjectif au point de décrédibiliser leur soutien.
On peut dire ce que l’on pense, être honnête, sincère, avoir un simple regard de spectateur. Privilégier le plaisir de l’émotion à la souffrance du beau.
Pour le moment, le Festival n’a aucun film exceptionnel, mais beaucoup de bons films ; Oliveira, Lynch et Haneke se détachent du lot. Le respect n’est pas dû au fait qu’ils soient des aînés du 7ème art ou des auteurs adulés par les cinéphiles mais bien parce que leur oeuvre est fraîche, originale, audacieuse, intelligente.
Ils se renouvellent sans cesse, par le texte ou l’image, par leur message ou le style.
C’est là que réside leur jeunesse.

The end
On notera bizarrement que tous ont décidé de fabriquer des fins ouvertes, libre d’interprétation, de rarement conclure leur film de manière classique. On ne sait pas ce qu’il advient de Piccoli ou Huppert, on doit reconstruire soit même le Lynch ; le voile noir rend opaque la fin de Kandahar. On devine qui est le personnage final de Distance. On suppose ce qu’il advient aux deux femmes de La Répétition. On ne comprend pas très bien ce qu’il va arriver aux personnages de Pau et son frère. On laisse notre imagination voguer sur les destins du Tsai Ming Liang. Les films américains sont plus directs : les Coen, Luhrmann, le Penn concluent clairement leurs oeuvres, et même commencent avec la fin.
Il y a ceux qui savent qu’on va mourir et les autres qui espèrent une resurrection ou une lumière au bout du tunnel. Mais il est étrange de laisser le spectateur sur sa fin. De l’abandonner au milieu de son plaisir de cinéphile et de le pousser à s’interroger ou à se désintéresser, selon.
A quelques jours de la fin du Festival, on note qu’il n’y a pas encore eu un Tout sur ma mèrte, un Ghost dog, un La vita è bella... un de ses coups de coeur emballant et populaire. A part Shrek. Un premier film - le seul de la Compétition Officielle - avec une fin pas du tout ambiguë, et fait par des désirs de jeunes technologistes.
Il y a peut être beaucoup de vieux à Cannes, peu de découvertes, un cinéma plutôt morbide ; mais au moins il y a du respect pour ce vieil art septième du nom.

V.