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  Elephant de Gus VAN SANT

  Carandiru de Hector BABENCO


festival-cannes.com

 

 
 
Cannes, città aperta

Samy est dans le TGV. Il se mate un DVD sur son Mac. 8 et demi. 8 heures et demi de chez lui à son appart cannois... Il songe à Fellini, à ce dernier Maître du 7ème Art.

Road
L'œuvre de Federico Fellini baigne dans une mer de mélancolie. Une mer dont l'apparente agitation ressasse des vagues humaines, des tempêtes de désir, un visage qui, au fond, surface des profondeurs calmes, renferme une léthargie sourde et contemplative. Cet océan, vu d'ici, est bien un visage. Le masque de Fellini auquel répondent, comme autant de reflets, les mille figures de ses films. Il s'était trouvé un double, en Marcello Mastroianni, pour faire toujours le lien entre ces deux empires, celui du réel et celui du rêve. Le lieu du cinéma serait ce lien. (...)
Dans Huit et demi, il fera allusion aux quelques années d'internat (...). Les films de Fellini semblent toujours évoquer un ailleurs, ils sont devant nos yeux, impalpables, et plus que les autres, paraissent les fantômes d'un lieu toujours absent. La musique de Nino Rota, pour La Strada (1954), est déjà lointaine à la vision du film, de la même manière qu'elle résonne, aujourd'hui, en pensée. La Strada est un film du bord de mer. La plage y trouve sa dimension véritable dans l'esthétique fellinien. C'est la fin du parcours, les limites de la comédie humaine, l'espace en équilibre qui assimile le réel et le songe pour devenir le lieu du vrai. Zampano (Anthony Quinn) s'y retrouve à nu, débarrassé de ses fards monstrueux et il ne lui reste que les yeux pour pleurer ses remords. D'autre part, la figure nettement fellinienne du clown blanc prend ici ses marques, sous les traits de la candide et tragique Gelsomina, qu'interprète Giulietta Masina. (...)

Circus
Fellini s'éloigne définitivement du néo-réalisme, et de son contenu social, en réalisant La dolce vita. Ses personnages ne sont plus des misérables mais des bourgeois romains, journalistes, éléments essentiels de la logique citadine. La déréalisation finale n'en est que plus fascinante. Le cirque, déjà univers de l'artifice est, ici, comme camouflé derrière des masques de réalité, des airs de rien, des visages tuméfiés de normalité. Marcello Rubini, glissant sur la pente douce de la décadence, est Fellini. La fin du parcours menant, encore une fois, au bord de mer, confronte curieusement le dandy à un gros poisson échoué sur la plage. Dans un gros plan terrible, l'œil exsangue de la bête constate stupidement la nouvelle chance offerte à Marcello, à travers les doux appels d'une jeune fille, de se racheter une pureté. Ce non-regard est la dernière limite des apparences, la frontière entre la nuit rêveuse de la mer et notre jour éclatant ; il est la vitreuse caméra. Palme d'Or à Cannes. (...)
Son huitième film et demi nous fait partager les états d'âme de sa doublure de l'autre rive de la caméra, toujours incarnée par Mastroianni, ici en metteur en scène. Nous le suivons dans ses réflexions et doutes vis à vis de son métier, de son art et de sa vie. Huit et demi marque le commencement d'une période plus auto-réflexive et d'une intrusion définitive du monde imaginaire dans ses récits.  Oscar du meilleur film étranger à Hollywood.

Clowns
Il revient, avec Les clowns, sur sa mythologie personnelle d'enfant passionné de cirque et sur celle du cinéma, art circulaire, originellement forain (les doux noms de Kinétoscope et Phénakistiscope désignaient ses ancêtres). Avec Fellini-Roma (1972), il réalise un nouveau spectacle de l'hétéroclite et vogue avec sa caméra, comme sur une péniche vénitienne, par les rues fourmillantes de la capitale. (...) Dans la Cité des femmes (1980), Mastroianni et chacun des autres personnages semblent déconnectés les uns des autres, tels des automates, ils sont agis par une réalité propre (on retrouve cette impression dans la plupart des films de Wong Kar-wai).  (...)
C'est encore avec humour, et une gentillesse ténébreuse, que Fellini approche son film suivant. En 1983, Vogue le navire éclaire un nouveau monde de visages fellinien. On y parcours une galerie de caricatures mouvantes aux couleurs crépusculaires. Comme pour Amarcord, on se souvient du film, en premier lieu, à travers ses silhouettes. En écoutant la voix de la lune, on peut encore admirer la fusion toujours étonnée d'un passé futuriste et d'un avenir nostalgique qu'il aimaot rêver et nous dépeindre sur d'immenses toiles de cinéma.
"Il n'y a pas de fin. Il n'y a pas de début. Il n'y a que la passion infinie de la vie" disait le Maestro...

(à suivre)

vincy (narration), axel (texte)
 




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