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Donbass

Certain Regard
/ sortie le 26.09.2018


UN PEUPLE DOUX





« - Vous me prenez ma voiture ?
- Tu veux qu’on roule à vélo ? Pour te protéger des fascistes ?  »

Donbass est une oeuvre terrible dont il est dans un premier temps difficile d’apprécier la portée cinématographique - au-delà du choc émotionnel. Telle une ronde tragi-comique dans l’Ukraine contemporaine, le film s’articule en 13 chapitres qui racontent chacun un événement inspiré de faits réels, se déroulant dans les territoires occupés de la région du Donbass (Ukraine orientale) entre 2014 et 2015. On y croise donc les gangs séparatistes soutenus par la Russie, l’armée ukrainienne soutenue par des volontaires, et des civils qui subissent tour à tour les exactions des deux camps.

La démonstration est forcément implacable, puisque Sergei Loznitsa aligne les situations kafkaïennes et injustes, voire violentes et insoutenables. Il y a cet homme à qui l’armée extorque impunément de l’argent, ce volontaire ukrainien offert à la vindicte populaire des pro-Russes, ces voitures qui explosent, ces figurants que l’on tue pour alimenter la guerre médiatique… Comme un catalogue presque exhaustif des exactions possibles. On peut d’ailleurs reprocher au film de ne jamais faire dans la dentelle, voire de se gargariser sans vergogne de l’horreur et de l’abjection pour mieux servir son propos.

Pourtant, on est captivé par cette plongée presque hallucinée dans ce qui ressemble aux neuf cercles de l’enfer, chaque situation semblant plus cruelle et plus grotesque que la précédente. Le film navigue ainsi à vue entre la farce et la tragédie, entre la caricature et l’allégorie, entre la satire et le désespoir. Il faut une grosse dose d’humour, semble nous dire le réalisateur, pour supporter les dérives d’un système que plus rien ni personne n’est capable de contenir. Et sans doute vaut-il mieux essayer de rire de l’absurdité des récits qui se succèdent, sans que cela nous empêche d’en être également révolté et écoeuré.

D’autant que la dénonciation froide de Loznitsa va bien au-delà de la situation ukrainienne. A travers ces individus qui prennent le pouvoir contre leur propre peuple, à travers ces malheureux parqués dans des abris insalubres, à travers ces flots de souffrance, de cruauté et de violence gratuite, tout ça au nom d’idéologies creuses (la lutte contre le « fascisme ») dont au fond, tout le monde se fiche, c’est l’Humanité dans sa globalité qu’ausculte le réalisateur. C’est de toutes les guerres qu’il parle. De toutes les violences faites à l’être humain qu’il s’indigne. Donbass devient alors un gigantesque cri de souffrance, peut-être forcé, peut-être maladroit, mais que tout le monde se doit d’entendre. Même s’il n’est pas agréable à nos oreilles.

MpM



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