39-98 | 99 | 00 | 01 | 02 | 03 | 04 | 05 | 06 | 07 | 08 | 09 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19


 
 
Choix du public :  
 
Nombre de votes : 31
 












 
Partager    twitter



festival-cannes.com
Swing

 

Exils (Exils)

Sélection officielle - Compétition
France


Des racines en manque d’ailes




« Je me sens pas bien. Je me sens étrangère. Je suis une étrangère de partout. »

Avec Exils, Tony Gatlif retrouve son acteur fétiche Romain Duris, et l’emmène aux pays du soleil. Pas au bout de la terre mais en Espagne, au Maroc et en Algérie. Le voyage sera atypique (à pieds), riches en rencontres et avec, à la clef, une émotion intense : retrouver ses racines, se retrouver soi-même et mieux se retrouver l’un l’autre. Le mot est lâché, Exils est un film de retrouvailles. Pas seulement celles des personnages (origines, soi-même etc…) mais aussi, et surtout, celles du réalisateur avec la terre de son enfance, l’Algérie, pays quitté voici 43 ans.

Mais reprenons au début. Zano, nu devant sa fenêtre, sirote une bière. En fond sonore, enfin devrait-on dire en devant sonore, la voix de Rona Hartner hurle sur un air plutôt violent que la démocratie est une urgence. A ses côtés, Naïma mange animalement une glace, alanguie nue sur le lit. Le ton est donné : ces deux-là manquent de quelque chose. Ils ne sont pas à leur place. Sur un presque coup de tête, ils décident de partir vers l’Algérie. Ça y est, on comprend ce qu’il leur manque et ce qui les tourmentent : leurs racines et leur passé, au choix.

Le voyage commence donc. Les lieux, les rencontres s’enchaînent. On y voit successivement des cafés où l’on danse le flamenco, des jours de cueillette de pommes, des siestes dans une forêt, des trajets en train où l’on resquille. Tony Gatlif est dans le mouvement, et pour un voyage, c’est plutôt normal. En revanche, le mouvement est posé, tranquille. Ici, il n’y a point la fougue d’un film comme Gadjo Dilo (l’histoire d’une quête également). Comme si le sujet extrêmement sensible (renouer avec son propre passé) imposait au réalisateur une retenue. Pourtant, les comédiens sont là pour apporter de l’énergie. En tête, Lubna Azabal trimballe avec elle une espèce de rage, de vie et de félinité impressionnantes (surprenantes et jolies scènes de la danse matinale et du café de flamenco). Mais la différence est là, Exils nous emmène dans son voyage mais nous restons un peu derrière. Les images elles-mêmes semblent moins organiques que d’habitude, plus sophistiquées (mais très belles).

Si Exils ne parvient pas à nous séduire totalement, c’est notamment parce que l’histoire n’est pas toujours au centre du film. Souvent chez le réalisateur, le côté documentaire découle de la fiction (des lieux filmés d’un point très réel mais servant de toile de fond à l’histoire). Ici, c’est un peu le contraire. Notamment sur la fin, le documentaire prend le pas sur la fiction. Encore une fois, c’est certainement l’émotion éprouvée par le réalisateur de retrouver ses souvenirs d’enfant qui l’a conduit à filmer l’Algérie de manière si dégagée de toute fioriture fictionnelle. Mais les genres se mélangent, nous un peu aussi et l’histoire racontée perd en intensité.

Néanmoins, Exils reste un joli film traînant avec lui un touchant témoignage (dans la scène de l’appartement retrouvé notamment), de beaux personnages torturés, et comportant de très émouvants moments. Parions que le réalisateur en sortira apaisé, à l’image de Zano et de Naïma, qui, à la fin, comprennent sans se dire un mot, qu’ils ne seront plus jamais les mêmes et que les démons font désormais partie du passé.

Laurence



(c) ECRAN NOIR 1996-2024