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Troy (Troy - Troy)

Sélection officielle - Hors compétition
USA / sortie le 13.05.04


TROIE ZERO





«- Achille, je retiendrais ce nom !»

Ca commence mal. Une carte nous montre la Grèce et un texte nous inflige une littérature inutile. « Il y a 3200 ans… » La musique nous semonce : gros tambours et voix bulgares, même Wagner pourrait passer pour du Satie en écoutant cette bande originale de film pompeuse.
Bienvenüe dans un Péplum, comme on n’en faisait plus ! Mêmes décors cartons en toc, mêmes costumes antiques. Même le scénario s’annonce aussi creux. Prologue pour nous montrer à quel point Achille est le plus fort et le plus beau et le plus intelligent : une bataille de Golgoths où son agilité terrasse son ennemi en un saut (au ralenti) et un coup d’épée. Manque la cape.
De toute façon, ce n’était qu’un hors d’œuvre. Le repas, loin d’être un faste festin, va nous gaver pendant près de trois heures. Inspiré de l’Illiade ? Homère ne va certainement pas réclamer des droits d’auteur. La version de Wolfgang Petersen – déjà kitsch avant même d’exister en salles - oublie que ces vaillants héros avaient épouses et concubins, sans parler de l’absence de définitions pour les dieux cités. Le scénariste fait quelques graves impasses (Achille est invulnérable sauf au niveau du talon : ne cherchez pas l’explication, elle n’y est pas) ou quelques raccourcis (personne ne semble s’inquiéter de la mort hypothétique de la cousine d’Hector). Aucune tension dramatique ne compense ce vide. La guerre de Troie a peut-être eu lieu mais nulle impression qu’une civilisation éclairée ait été anéantie… Nulle allusion aux suites, l’Odyssée ou l’Enéide (Enée apparaissant un quart de seconde). L’histoire est laborieusement amenée. Et chacun des épisodes semble répéter l’autre. Deux instants, fugaces, sont à sauver : le duel au soleil entre Achille et Hector, et le débarquement du Cheval de Troie. Deux séquences très vite noyées dans ce fatras de boucliers et de bavardages. Les dialogues ne tuent personne même si le ridicule fait rire. Pris au quatorzième degré, le film s’avère fortement comique et douloureusement paradoxal.
En effet, nous n’avons aucune compassion pour ces grecs, brusques belliqueux, où même Agamemnon ressemble davantage à Néron. Du début à la fin, le réalisateur éprouve davantage de sympathie pour les Troyens. Pâris a l’excuse de l’amour et Hector celle de l’intelligence. En un plan anachronique, le couple Hector / Andromaque emporte l’adhésion avec la vision d’une famille idéale.
Mais cela ne nous fait pas échapper à notre calvaire parmi ces païens paillards et gaillards. La philosophie bradée des dignitaires nous évoque un recueil de citations grotesques. Schématisé, le film, aux sous titres peu fidèles, est difficile à prendre au sérieux. Primitif, les clichés sur la vie, la guerre, l’amour se succèdent. Si l’on comprend bien, le seul motif de ce carnage est de laisser son nom dans l’histoire. A la recherche de la nouvelle gloire.
Mais, hélas, Brad Pitt, demi-dieu hollywoodien, n’est pas crédible. Il a beau montrer son beau profil songeur en guise de réflexion, s’épiler jusqu’aux cuisses (mais pas les aisselles) et dénuder son corps athlétique pour nous faire fantasmer, il joue mal, souffle fort et n’a aucune présence. Eric Bana lui vole, sans trop de mal, la vedette. Le brun contre le blond, le poilu contre l’épilé. Question intensité, Bana met Pitt K.O.
On s’endort avec les explications trop appuyées, on devine les exploits et les erreurs des uns et des autres. Tout est monolithique. Troie ne renouvelle pas le genre, il se place déjà dans ses modèles, avec un demi-siècle de retard. Le feu y crépite bien, les temples sont déjà de futures archéologies, et les guerriers saignent trop rouge. Violent ? Un peu plus qu’avant, un peu moins que l’actualité télévisée. Rien n’est fait dans la dentelle. Et rien n’est réaliste. En cela, Petersen a complètement échoué son pari. Il n’a pas su transformer le genre. Nous voici accablés par tant de bêtises. Même l’histoire de frères, sujet potentiellement fort (Hector et Pâris, Agamemnon et Mélénas) est circoncise par quelques embrassades. Point de psychologie. A peine de la stratégie. Et les combats, parfois confus, nous lassent. Jeux de mâles, jeux de vilains. Même pas divertissant. Parfois pitoyable (Peter O’Toole pathétique). Qu’allaient-ils tous faire dans cette galère ?
Aucune muse ne semble s’être penché sur cette oeuvre d’un autre temps, qui confond flamboyance avec grandiloquence, moyens et ambitions. Il ne suffit pas d’effets spéciaux pour nous faire de l’effet.

vincy



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