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This Must Be The Place

Sélection officielle - Compétition
Italie / sortie le 24.08.2011


WHY I CAN’T BE ME ?





« Tu n’as jamais eu envie de fumer parce que tu es resté un enfant. »

Comme souvent dans les films de Sorrentino, le héros est isolé du monde qui l’entoure, qu’il en soit la première victime ou le principal responsable. La forme et le style du cinéaste fait le reste pour nous plonger dans les méandres de cette solitude et d’un destin souvent sans issue. This must be the place se démarque légèrement de ses précédents films par un happy end convenu et une mise en scène plus classique qu’à l’habitude.
Mais avouons que le cinéaste ne manque pas de talent pour écrire des rôles neurasthéniques charismatiques. Sean Penn, avec son look croisant Robert Smith (le chanteur de The Cure) et Edward aux mains d’argent, impressionne dans ce personnage d’enfant figé (une sciatique empêche son corps de s’articuler) qui n’a pas réussit à grandir, materné par sa femme (Frances McDormand, en grande forme comique) et complice d’une fan adolescente qui aurait pu être sa fille. Avec sa voix fluette à la Boy George et son look excentrique (so eighties), il est l’incarnation magistrale d’une ex-star du passé voyageant dans le présent.

Ainsi, la première partie, en Irlande, où ce « Freaks » hante son propre château, joue en bourse, s’ennuie profondément, nous happe au point d’espérer une œuvre fascinante, avec un regard ironique sur un monde occidental froid, où les jeunes disparaissent dans des pulsions suicidaires, l’argent est une obsession, le supermarché devient un centre névralgique de nos vies, la culture se décline avec des groupes au nom évocateur (Pieces of Shit). Il y avait déjà matière à faire un bon film avec son impuissance à grandir, sa culpabilité vis-à-vis d’un accident passé.
Mais Sorrentino a imaginé un autre scénario : un voyage initiatique à travers les grands espaces américains. D’une tribu à une autre (juifs de New York, catholiques du Michigan, ploucs qui votent Sarah Palin, précaires du Nouveau Mexique…), il va mûrir tout en réglant un trauma familial lié à la Shoah. Le cinéaste ouvre son film à de multiples pistes sans jamais en explorer une plus profondément que les autres. Le road trip devient alors un prétexte à des rencontres trop systématiques pour nous captiver. En survolant chacun des sujets, il nous frustre d’une grande épopée identitaire. Comme son personnage principal et ceux par qui il est attiré - des handicapés sentimentaux timides ou égocentriques -, il ne parvient pas à faire le lien avec les autres. Ce déséquilibre entre la première et la deuxième partie est aussi formelle. Le chapitre irlandais a des airs de comédie décalée à la Wes Anderson quand la ballade US, très Kerouac, ne semble dotée d’aucune singularité autre que ce que le cinéma américain nous a déjà montré.

Le comble est sans doute que This must be the place, qui se veut une critique à l’égard de la superficialité de notre monde, n’aboutisse à être qu’une illustration glacée et lisse, sans grande consistance, d’une civilisation asociale.
Paradoxale pour une fiction qui suit un homme en colère incapable de l’exprimer. Le film paraît très sage, trop contenu, trop beau. Certes, le caddie du supermarché sera renversé, un ancien nazi se retrouvera à poil dans la neige, la peau fripée, … l’insouciance aura disparu quand l’appareil photo fera un bruit identique à un coup de feu quand il saisit le visage du criminel. L’enfant acceptera enfin une cigarette.
La dernière scène laisse perplexe : grandir est-ce aussi se normaliser ? La question se pose pour un cinéaste qui a voulu faire un film moins personnel, plus ambitieux.

vincy



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