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Entre les murs

Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 15.10.2008


LA GRANDE CLASSE





"Vous êtes incapables de réfléchir à la même chose pendant plus de vingt secondes de suite !"

Quel choc ! Avec Entre les murs, Laurent Cantet prouve qu’il est possible de réaliser un film engagé intelligent et fort sans verser ni dans le pure didactique, ni dans le pathos. Avec un mélange réussi d’humour et d’émotion, le réalisateur fait de la salle de classe un formidable révélateur des maux et des enjeux de nos sociétés contemporaines, où se posent en permanence des questions existentielles fondamentales liées à la quête de soi et au vivre ensemble. Un portrait drôle, grave, intelligent, malin, percutant où le cinéaste filme une classe de collège, dans son intimité et dans ses inimités. Un huis-clos vivant et désespérant à la fois.
Pour atteindre une telle justesse, il fallait nécessairement effectuer un très grand et très subtil travail d’adaptation de l’essai éponyme de François Bégaudeau. A partir de la matière foisonnante et disparate du livre, le réalisateur, l’écrivain et le coscénariste Robin Campillo ont ainsi reconstitué plusieurs fils directeurs qui donnent une direction bien précise au film. Ils ont également choisi de faire exister certains personnages d’élèves et de professeurs plutôt que d’autres, sans écraser personne ni donner l’impression d’un saupoudrage artificiel. Tous les élèves ne sont pas mis sur le même plan, certains prennent au fil du récit une consistance majeure tandis que d’autres restent dans l’ombre, mais à l’image d’une vraie salle de classe, où ce ne sont pas toujours les mêmes que l’on entend ou qui ont des problèmes.

Faisant complètement oublier sa caméra comme ses effets de mise en scène, et par le simple jeu du montage et d’une sécheresse scénaristique salutaire, Laurent Cantet donne l’illusion tenace que l’on est dans un véritable documentaire où tout doit s’effacer devant les individus et les situations. Pour cela, il centre presqu’exclusivement son film sur les joutes verbales qui opposent les élèves à leur professeur. François ne laisse rien passer et, de leur côté, les élèves refusent de lâcher prise, ce qui donne de savoureux échanges aboutissant toujours de fil en aiguille à de vraies questions sociales, politiques et éducationnelles comme le respect mutuel, l’intégration culturelle, l’importance de la connaissance ou encore la nécessité de poser des limites. Le réalisateur ne tombe pas dans le piège du film à charge contre le système d’éducation français (il montre que les professeurs sont aussi dépassés que les élèves par une situation que plus personne ne contrôle, induite notamment par l’extrême violence sociale et économique de notre société) mais cherche au contraire à élargir le débat en ne retenant que des thèmes à portée universelle.

Bien sûr, cela ne peut s’avérer aussi efficace et passionnant que parce que Laurent Cantet a passé près d’un an à travailler en ateliers ouverts avec les élèves et les professeurs que l’on voit à l’écran. Chacun des protagonistes du film joue ainsi non pas son propre rôle, mais un rôle qu’il a pu nourrir au cours d’improvisations et de réflexions communes, parfois avec son propre vécu, parfois avec des éléments inventés ou fantasmés. Résultat, on est frappé de voir à quel point les dialogues et les relations entre les personnages sonnent étonnamment justes. Qu’il s’agisse de François Bégaudeau, qui incarne François, le professeur principal, ou des élèves eux-mêmes, tous sont admirables, éminemment crédibles et extrêmement touchants. Ils insufflent à ce huis-clos délicat la force suffisante pour être irréprochable sur toute la longueur, et lui apportent en plus le petit supplément d’âme indispensable pour transformer un bon film en grand film : la sincérité et la générosité.

MpM



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