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Meurtrières

Certain Regard
France / sortie le 28.06.06


GIRLS JUST WANT TO HAVE FUN





« Quand on ne veut pas baiser, on se fait jeter. Quand on veut baiser, on se fait jeter. Qu'est-ce qu'il faut faire, alors ? »

On comprend ce qui avait séduit Maurice Pialat dans ce fait divers un peu sordide mettant en scène deux adolescentes livrées à elles-même et peu à peu poussées à commettre l'irréparable : la jeunesse des protagonistes, l'enchaînement malencontreux des événements, la fatalité de la violence. En transposant l'intrigue originelle, Patrick Grandperret reprend ces ingrédients et y ajoute en prime un instantané au vitriol d'une province mesquine et renfermée et un portrait grinçant des mâles en rut qui croisent la route des deux héroïnes et ne voient en elles que des objets sexuels mis à disposition.

Les rencontres se succèdent en effet, toutes plus catastrophiques les unes que les autres, mais à la morale sensiblement identique : les gens les plus affables extérieurement sont en réalité les pires. La mère qui recueille Nina se révèle sans cœur, le petit ami de la jeune fille est un lâche, l'homme qui leur vient en aide à la terrasse d'un café croit pouvoir les acheter… pas un pour rattraper l'autre. Pire, cette galerie de stéréotypes tous foncièrement abjects donne le sentiment que toute la misère du monde s'acharne sur les malheureuses Nina et Lizzy.

C'est que Patrick Grandperret a voulu insister (sans doute trop) sur la dégringolade sociale que subissent ses deux personnages afin de montrer que ce sont ces multiples humiliations et frustrations qui conditionnent le geste terrible qui ouvre le film. L'effet fonctionne assez bien pour offrir quelques scènes sous haute pression. Chaque regard, chaque geste semble être susceptible de déraper. En commençant le film par la fin, le réalisateur a immanquablement préparé le spectateur au pire. Mais il a également pris le risque, énorme, de le décevoir. Car il faut attendre près de trois quart d'heures avant que ne commence véritablement la (lente) descente aux enfers des protagonistes. Puis c'est une succession de scènes qui se font écho, montrant sans grande diversité les portes se fermer peu à peu devant Nina et Lizzy. Pas grand chose pour alimenter la tension ni relancer la dynamique du film.

Portrait spontané de la jeunesse
Mais probablement l'intérêt de Patrick Grandperret n'était-il pas là. Ni son scénario ni sa mise en scène ne dénotent en tout cas l'envie de réaliser un thriller. Tant pis pour les spectateurs qui, accrochés par une ouverture choc et étrange, attendaient un film coup de poing… Seules Nina et Lizzy semblent préoccuper le réalisateur et c'est dans leur portrait qu'il s'avère le meilleur. Il filme en vrac leurs maladresses, leurs erreurs, leurs désirs et laisse à distance toute explication psychologique de leurs actes. Grâce à ses deux actrices, Hande Kodja et Céline Sallette, qui offrent une prestation éclatante de naturel et d'émotion, il livre un portrait spontané et en demi-teinte de la jeunesse des années 2000, tout emplie d'un incommensurable désir de vivre. Car après tout, c'est un désir bien anodin, celui d'avoir voulu s'amuser un samedi soir, qui cause leur perte. Ca, et d'avoir cru en la générosité de leurs semblables. L'insouciance et la naïveté, dans notre monde, ne sortent jamais vainqueurs, sur ce point, la démonstration est implacable.

Pourtant, la manière brutale dont s'achève le film, comme stoppé dans son élan, laisse un gros sentiment de frustration. On ne sent pas vraiment, dans le geste meurtrier final, le poids des événements passés. Il semble au contraire un acte presque banal de légitime défense. On ne peut alors s'empêcher de penser à d'autres duos célèbres de criminelles (notamment Thelma et Louise de Ridley Scott) qui mettaient en scène avec plus d'acuité tous les thèmes présents dans Meurtrières.

MpM



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