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Production : Les films du Worso
Réalisation : Patrick Grandperret
Scénario : Frédérique Moreau, Patrick Grandperret
Montage : Dominique Galliéni
Distribution : Pan-Européenne Edition
Son : Jean-Louis Ughetto
Musique : Silth
Durée : 97 mn

 

Anaïs de Courson : Hélène
Gianni Giardinelli : Yann
Céline Sallette : Lizzy
Hande Kodja : Nina

 

festival-cannes.com
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Meurtrières

Certain Regard
France / sortie le 28.06.06

Le projet avorté de Maurice Pialat






Trois ans après la mort de Maurice Pialat, le projet qui tenait tant à cœur du réalisateur de Sous le soleil de Satan, l'adaptation d'un fait divers mettant en scène deux jeunes filles contraintes au crime, sort enfin sur nos écrans. C'est Patrick Grandperret (L'enfant lion, Le maître des éléphants), assistant de Pialat sur le tournage de Passe ton bac d'abord et de Loulou, qui reprend le flambeau. "Sylvie [Pialat, productrice du film] m'a proposé de réaliser ce projet sur lequel Maurice était souvent revenu avec elle », explique-t-il. « Maurice m'en avait longuement parlé, mais finalement il avait repoussé ce projet pour réaliser Passe ton bac d'abord ». Le fait divers dont Meurtrières s’inspire avait fait du bruit à l’époque, d’autres réalisateurs avaient voulu s’en inspirer. Tanner a fait un film autour de ce thème et je crois même que Guy Béart a composé une chanson : "Une autoroute en bois, deux fillettes allaient au pas, elles auto-stoppaient… et ce furent et le diable et la danse"…

Maurice Pialat avait développé une continuité d’une quinzaine de pages dont Patrick Grandperret a repris une partie de la structure avec sa co-scénariste Frédérique Moreau. Il avait également réuni des dossiers où figuraient les interrogatoires des policiers, expliquant comment les deux jeunes filles s’étaient procuré des couteaux sans préméditation et comment le crime s’était passé. La construction du film (qui commence par la fin et raconte l'histoire dans un long flash-back), elle, est directement héritée du projet originel.



Meurtrières s'inspire de tout cela, ainsi que des éléments réels, même si certains ont été un peu modifiés. Par exemple, dans le fait divers, l'une des filles était une jeune arabe en conflit avec son père qui l’avait tondue parce qu’elle fréquentait des garçons. Le réalisateur a décidé de transposer ce personnage pour ne pas tomber dans le côté réducteur du conflit dans une famille immigrée. "Je voulais comprendre comment ces deux filles à peine sorties de l’adolescence, un peu insouciantes, mais avec une profonde envie de vivre, peuvent être entraînées dans une série d’événements qui vont les amener à une violence qui les dépasse, déclare Grandperret. Plus que l’acte en lui-même, c’était ce processus qui m’intéressait.

Quoique le film repose presque uniquement sur la prestation des deux interprètes principales, le réalisateur souhaitait dès le départ confier les rôles à des actrices inconnues, le plus dur étant de former un couple qui fonctionne. Lors des essais, Hande Kodja et Céline Sallette, qui se connaissent depuis le Conservatoire, ont joué la camaraderie immédiate, ce qui a séduit Patrick Grandperret. "Elles étaient convaincantes », assure-t-il avant d'avouer : « Et puis il y a des choses qu’on n’explique pas : on tombe amoureux et on ne sait pas pourquoi… »

"Nos caractères ont dessiné nos personnages"
Une fois sa Nina et sa Lizzy trouvées, le réalisateur a fait un gros travail de préparation avec les jeunes actrices. " Le scénario était encore en friches quand on a commencé à travailler avec Patrick Grandperret et Céline Sallette », se souvient Hande Kodja. « On échangeait des impressions pour imaginer ensemble le passé de ces deux filles, puis Patrick clarifiait son choix pour que nous ayons tous une même vision des personnages et de leur parcours. Je pense que nos caractères respectifs ont aussi dessiné nos personnages. Au départ, le personnage de Nina était une romanichelle, j’ai préféré lui donner mes origines géorgiennes et turques. J’ai aussi soufflé à Patrick l’idée de faire jouer le groupe “Bratsch”. Je me reconnaissais forcément dans le personnage de Nina, moi aussi j’ai perdu mon père jeune, j’avais dix ans."

« On a eu de longues discutions », renchérit Céline Sallette. « Les préoccupations étaient de comprendre comment nos personnages en arrivent à tuer et aussi comment injecter de la vie et de nous dans cette histoire pour que ces deux jeunes filles ne soient pas étranges ni étrangères, pour qu’on les suive. On a construit leur background, en cherchant à savoir qui étaient leurs parents, qui elles étaient…. C’est rare de prendre part à la construction d’un projet. Par exemple, j’ai proposé que Lizzy ait appris le chinois, je trouve que c’est joli, ça souligne son désir d’un ailleurs. »

A l'écran, la complicité entre Nina et Lizzy est visible. A la ville, les deux jeunes femmes ont joué la carte de la relation fusionnelle. « On s'est soutenue dans les moments où la pression était trop forte, c'était notre première grande histoire de cinéma, on a appris beaucoup », explique Céline Sallette. « Avec Hande, on se croisait au Conservatoire, aujourd’hui je suis très admirative de son travail, je trouve qu’elle rend Nina fascinante. Le film repose sur le duo, je me rappelle avant le tournage, j’ai regardé de nombreux films avec des duos, je voulais voir comment cette alchimie particulière qui se crée à deux peut exister à l’écran. Par exemple, j’ai vu des reportages sur les clowns, j’ai revu Les Valseuses, L’Épouvantail, Merci la Vie, Girls Unplugged et Thelma et Louise évidemment. »

MpM



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