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Da Vinci Code

Sélection officielle - Ouverture
USA / sortie le 17.05.06


LES MALHEURS DE SOPHIE





"- On a affaire à des gens qui y croient assez pour tuer!"

Transposition cinématographique plan plan, confuse et dépourvue de rythme, Da Vinci Code (le film) réussit le miracle de nous faire croire que le livre était grandiose. La faute à Ron Howard, Judas sans oeil, et aux horizons limités. Il y avait trois dogmes à respecter : nous divertir, transcender l'oeuvre, y être fidèle dans l'esprit.
Le divertissement est laborieux. Ceux qui ont lu le livre trouveront le temps long. Peu palpitant, Da Vinci Code enchaîne les rebondissements comme un athlète réussit une série de sauts de haies. Il y avait pourtant matière à nous intriguer, faire monter le suspens, avoir la larme à l'oeil. D'ellipses en raccourcis, Howard parvient surtout à nous faire décrocher de cette quête - un comble. Ceux qui n'ont pas lu le roman ne comprendront pas tout (on se noie dans certaines explications, le personnage de Bezu Faché est incongru, et une partie de la fin a été modifiée), s'amuseront beaucoup (on frôle souvent le burlesque, au mieux, le ridicule, souvent). Mais il ne s'agit jamais de Robert Langdon et La Dernière Croisade tant l'action est inexistante (la seule poursuite se fait en Smart et en marche à arrière!). Même si Jean Réno (Faché) et Tom Hanks (Langdon) sont bien "castés", autant dire qu'ils sont transparents. Le premier sorti de La Panthère Rose se croit dans L'Empire des Loups. Le second semble intimidé...
L'oeuvre d'ailleurs s'efface au profit d'une machinerie hollywoodienne obsolète. Il aurait fallut un cinéaste européen avec du nerf (un Paul Greengrass) ou un auteur ayant une culture artistique et religieuse (au hasard Scorsese) pour que le cinéma apporte une autre vision à l'imaginaire de Dan Brown. Au lieu de cela Howard n'a retenu que cette chasse aux trésors pleines d'indices, d'énigmes. Ludisme déplacé puisqu'il nous désintéresse assez vite. Il ne s'agissait pas de simplement nous décrire les secrets cachés des oeuvres ou de jouer avec des effets visuels (flash backs lourdeaux et kitschs). Nous attendions que les cadrages (statiques) soient aussi malins que les perspectives et autres mise en scène d'un Leonardo da Vinci, qu'il y ait des clins d'oeil aux membres du Prieuré de Sion (par exemple en inventant une rue Jean Cocteau ou en glissant un arrière-plan avec l'agence intérimaire Manpower)... La vision touristique l'aura emporté sur les références historiques.
À être trop fidèle, on y perd la foi. Si les chapitres s'égrainent en séquences plus ou moins abouties, l'esprit n'y est pas. Le best-seller a fait sensation car il remettait au coeur de la Chrétienté l'équilibre féminin / masculin et réhabilitait ainsi Marie-Madeleine. Il y a bien une bonne soeur avec un téléphone datant des années 50 et cette parisienne élégante incarnée par Sophie Neveu. Cependant rarement film n'aura été à ce point hors sujet. Les femmes n'y ont pas leur place, même en silhouettes, figurants, images subliminales. Un tel mal à propos sidère. Grâce soit rendue à Audrey Tautou de toutes les incarner : flingue à la main, conductrice hors pair, masseuse guérisseuse, touchante et drôle, déterminée et intelligente. Tautou, comme McKellen (réjouissant humour british à la clef), cabotinent avec délice dans cette histoire de calices. Ils sont les seuls à prendre cette distance nécessaire par rapport à ce genre de thrillers ésotériques peu plausibles. On lui annonce sérieusement qu'elle est l'héritière de Jésus Christ (prière de ne pas rire), elle s'en tire par une de ses pirouettes, en touchant une mare avec son escarpin (va-t-elle marcher sur l'eau?) et en se ravisant ("On verra si je change l'eau en vin!").
En vain, les deux comédiens, ainsi que Bettany (en Dark Vador presque Hannibal), Podalydès le temps d'une pause sandwich parodique, et les visages de la Renaissance observant Marielle dans sa dernière ligne droite au Louvre nous permettent de ne pas décrocher du tableau. Les souvenirs des uns, les supplices des autres, Howard fait une lecture plus psychanalytique et traumatisée de l'Histoire et de cette humanité. Grande fresque historique sans Mel Brooks (qu'on espère parfois tant c'est grotesque), jeu de piste sans Amélie Poulain (dont on regrette le facétieux), Da Vinci Code, trop formaté, est une relique balourde qui, au Carbone 14 et au test ADN, ne trompera personne. Le film n'a rien de spirituel, au mieux, il fait rire malgré lui. "Vous n'engendrez pas la monotonie tous les deux" dit McKellen à ses deux comparses du triptyque (Langdon et Neveu), dans les seules scènes captivantes du film (celles au Château de La Villette). Hélas le spectateur, lui, s'ennuie, comme lors d'une visite guidée d'un Monument. Trop habitué aux jeux vidéos et autre zapping, il aurait préféré un tour à la carte, avec plus de temps sur La Joconde et une vue de La Vierge aux Rochers plutôt que ces vues panoramiques de carte postale. Comme le dit souvent Sophie Neveu (et je laisse le dernier mot à une femme) : "ça n'a aucun sens."

da vincy qui décode



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