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L’ "Almodovar Exhibition" à Cinémathèque Française sur EN

 

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Sélection officielle - Compétition
Espagne / sortie le 17.05.06


MA REVERENCE





"Je suis venue te demander pardon."

Revenir, sentir, vivre, à l’image de cet air chanté… Entre femmes, entre mère et fille, tante, nièce, parentes toutes générations confondus. "Ne pas couler avec le navire". Garder notre foi, aimer, parler, demander pardon. Et rire. Le meilleur de Pedro Almodovar, de son sens tout particulier de la dérision, au plus sensitif, au plus vif, au plus vrai. Sans oublier ces larmes. Celles qui se font discrètes, viennent inonder en un mouvement les yeux de Penelope Cruz, se contiennent ou ruissellent pour exorciser les maux. Almodovar enfante. Une douleur palpable, une insatiable envie de se trouver. Le récit nous révèlera un secret tout en conservant une magnifique part de mystère. Fantôme, esprit, revenant, illusion ? Incontestablement : la mère faite pour procréer le bien être, rompre avec le paraître et l’errance dans le non-sens. La résurrection d’Irène viendra engendrer le retour à la vie le plus abouti du réalisateur. Le plus riche et, paradoxalement, en dépit de ces thèmes tant haut en couleurs que noirs, finement morbides tel qu’on l’aime chez Almodovar, sans doute le plus serein.

Tout y est. Le cinéaste reste tout puissant sur ce territoire des insaisissables enjeux comme sur ceux qui nous sont le plus proche. A l’image de la vie, de son inexplicable lot de beautés, épreuves, ironie, hasards et croisées : le lien maternel, bien sûr, les rapports filiaux, le temps, ses aléas, la mort, l’état transitoire, la nature, le simple fait d’aller vers l’autre et de partir à la conquête de soi-même. On retrouvera ici tous les grands objets almodovariens, y compris ce regard critique sur la télévision. Ici démonisée, synonymes de manipulations, artificialité en puissance. Pedro Almodovar flirtera ici avec le pamphlet, poussant adorablement à l’extrême ses fondateurs jeux d’images et dimensions en échos, allant jusqu’à éradiquer toute consistance de nos chers hommes, tous juste bons à quelques élans masturbatoires. Un admirable concert ! Airs, paroles et battements… De l’émotion aux tripes au rire - le vrai, celui qui fait réellement partie de l’existence et vient toujours lorsqu’on ne s’y attend pas - le trio Penelope Cruz (parfaite, telle on ne l’avait plus vue depuis bien longtemps) / Carmen Maura (toujours magique) / Lola Duenas (troublante à souhaits) nous laissera sans voix. Bien au-delà de ce qui a pu nourrir le cinéaste. Une fatale et néoréaliste Sophia Lauren, un roman sur fond de crime caché et naturellement toute l’âme, toute l’intimité, du réalisateur qui signe ici un de ses plus accomplis odes à la femme, à la féminité, de la nourriture charnelle à ces traits épuisés. L’hommage bien sûr, il était encore une fois, à ces femmes qui l’ont élevé, l’ont accompagné, lui ont manqué… "Pendant tout ce temps, j’ai vécu un véritable purgatoire"… Le cinéaste est en transit, laissant derrière lui ses fardeaux, schémas réitérés, épurant son et notre chemin via de stridentes conversations avec l’abominable : le vice, l’inceste, l’indifférence, l’abandon, le sacrifice, l’asphyxie… Toujours cette solitude et ce temps brûlé qui nous file entre les doigts. A côté, la mort sous paraîtra si douce, si drôle et mélodieuse ! Un magique et tout réaliste état d’apesanteur. En toute beauté, à mesure de ces mouvements de caméra, éclatants de couleurs, motifs et lumières. Au final, simplement ce que la mort devrait toujours représenter au-delà de la douleur : ce passage pour un essentiel relais trans-générationnel. Une (é)preuve de Foi. Ce temps de LA réconciliation. Temps de cette incontournable mise en adéquation sans laquelle rien n’est possible. Tout avec elles.

Sabrina



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