Production: Madragoa, Gemini, RTP
Réalisation: Manoel de Oilveira
Scénario: M; de Oliveira
d'après le livre de A.Bessa-Luis
Montage: M. de Oliveira & Catherine Krassovsky
Photo: Renato Berta
Durée: 132 mn
Leonor Baldaque : Camila
Leonor Silveira : Vanessa
Isabel Ruth : Celsa
Ricardo Trepa : José
Ivo Canelas : Antonio
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Cinéma Portugais - dossier
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O Principio da Incerteza (Le principe de l'Incertitude)

Portugal / 2002 / Sortie en salle le 11.09.02
Sélection Officielle / Présenté le : 18.05.02

Antonio, le riche, et José, le fils de la servante, ont tout partagé durant leur enfance. Le premier a épousé Camila, dont José est éperdument amoureux. Mais Antonio a aussi pour maîtresse Vanessa, l'associée de José dans des combines peu recommandables. L'enfer n'est pas loin...

On ne présente plus le doyen des cinéastes en exercice. Symbole du cinéma Portugais, étouffant de sa notoriété la jeune génération de réalisateurs, Oliveira en est à sa douzième sélection cannoise (et cinquième film en compétition). Il avait obtenu un Prix du Jury pour La Lettre et l'an dernier, Je rentre à la maison avait été pressenti pour le Palmarès, avant de conquérir même ses adversaires et surtout le public (200 000 entrées en France).
Le principe d'incertitude appartient à la veine de ses films philosophico-littéraires. On y parle d'intelligence et de bonté, de pouvoir et de soumission. Il a adapté le roman de son amie Agustina Bessa-Luis (Joia de Familia); il l'avait déjà fait avec Francisca (81), Le Val Abraham (93) et Inquiétude (98), tous trois présentés à Cannes. Oliveira aime s’inspirer des écrits féroces et tendres de cet auteur reconnu comme l’une des figures les plus importantes de la littérature portugaise.
Il retrouve aussi son clan avec les actrices Leonor Baldaque (qu'il ne quitte plus depuis Inquietude), l’inégalable Isabel Ruth, sa fidèle depuis Os Canibais, Leonor Silveira et l’acteur Luis Miguel Sintra.

 

TOURMENTES PAISIBLES.

"Le mariage est un état d’esprit. "

Le principe de l’incertitude est un film dans lequel Manoel de Oliveira retrouve l’imagination d’Agustina Bessa-Luis. Il est question de femmes de caractère, de pouvoir, d’argent et de statut social. Le légitime et l’illégitime, le respectable et le méprisable, le bonheur et la douleur se côtoient sans, pour autant, devenir une leçon de morale. Manoel de Oliveira est maître dans la confrontation de l’ordre avec le désordre pour critiquer une certaine façon de prêt-à-penser.
Le quatuor, deux femmes / deux hommes / quatre possibilités, entre dans une course folle dès le début. Camila la douce, Vanessa la vénéneuse, Antonio le riche et José le fougueux s’embarquent dans des jeux sentimentaux troubles : José aime Camila qui se marie avec Antonio qui est sous le charme de Vanessa qui est l’associée de JoséÉLe tout sous les yeux d’anges gardiens un peu originaux : Celsa, la bonne, qui est la mère de José et les frères Roper, sorte de duo de gentilhommes fins et lettrés.
Le Douro et la ville de Porto sont aussi très présents. A croire que les deux artistes du Nord du Portugal continuent à être fascinés par les mystères de ces paysages et par le courant du fleuve. Dans ces paysages, Manoel de Oliveira décrit un monde hors-du-temps à la fois actuel et éternel. La narration est une succession de conversations de salon, de confessions et de discussions philosophiques. De ces paroles échangées surgissent un message : "le premier pas de l’intelligence, c’est la bonté"...Cette sentence rythmera les itinéraires des personnages pendant le film.
Plus que de l’incertitude, le réalisateur aborde la fragilité de ce qui n’est point sûr, l’angoisse de l’ignorance, l’attente d’une autre chose. Et la première de ces incertitudes, ce sont les autres avec qui l’on doit partager un bout de chemin ensemble. Rivalités et amours s’épanouissent aussi bien au bord d’une piscine qu’en contemplant les ouvriers travaillant les vignes.
Si le style d’Oliveira n’est pas narratif, on peut regretter quand même certains montages qui font passer d’un monde à l’autre sans motivation particulière si ce n’est celle d’un détail ou d’un signe : d’une boîte de nuit à une vision panoramique d’un village puis à un repas, dans une chambre, ... L’autre regret est une fin un peu trop téléphonée dans laquelle il explicite quelque chose qui était sous-entendu.
Les mystères et les secrets entre les personnages se révèlent progressivement grâce, notamment, au formidable jeu des acteurs. Aussi, Isabel Ruth dans la scène de prière, ou la confrontation entre Leonor Baldaque et Leonor Silveira, sont des moments intenses grâce à la force qui se dégage de ces personnalités. C’est l’une des raisons de la solidité des films d’Oliveira : savoir travailler avec les plus grands et savoir puiser - jusqu’à l’épuisement - le maximum d’eux. Avec " le principe de l’Incertitude ", le doyen du cinéma donne encore une leçon avec sa maîtrise du verbe et du jeu.

SerGe

  (C)Ecran Noir 1996-2002