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(C) 96-01 Ecran Noir

Vou para Casa / Je rentre à la maison
France/Portugal
Sélection officielle (en compétition)
Projection: 13 Mai 2001
Sortie en salle : n.c.

Réalisation: Manoel de Oliveira
Production: Mandragoa, Gemini Films
Scénario: Manoel de Oliveira
Montage: Valérie Loiseleux
Photo : Sabine Lancelin
Durée: 90 mn
Michel Piccoli (Gilbert Valence)
Antoine Chappey (George)
Leonor Baldaque (Sylvia)
avec aussi Sylvie Testud (Ariel), Catherine Deneuve (Marguerite), John Malkovich (le réalisateur)
 
Gilbert est un comédien réputé; il poréf_ère le théâtre et refuse les rôles très bien payés des films d'action. Il a les plus grands rôles. A li'ssue d'une représentation, on lui apprend la mort de sa femme, de sa fille et de son gendre dans un accident de voiture. Il ne lui reste que son petit fils, Serge.
Il survit, vit. Continue de jouer et refuse les amours. Puis il accepte de remplacer en dernière minute un acteur à l'hôpital dans une adaptation cinéma d'Ulysse, de James Joyce, en anglais.
 
 
Oliveira est le doyen des cinéastes en exercice (93 ans quand même) et fournit depuis quelques temps son opus annuel, pratiquement toujours sélectionné à Cannes. En 81, Francesca fut à la Quyinzaine des réalisateurs. Il reçu par la suite plusieurs prix : Fipresci (Non ou a va gloria de mandar et Voyage au début du monde), Prix du Jury (La Lettre), Prix de la CICAE (Val Abraham)...
Après avoir tourné avec Mastroianni, il choisit donc Piccoli dans cet énième film sur la mort. Il reprend aussi son couple du Couvent en guest star, Deneuve (en participation amicale) et Malkovich. Il tourne à Paris, enfin, comme dans La Lettre.
 
LE REGARD DE SERGE

"J’ai pas eu le temps . "

Manoel de Oliveira créé la surprise. Hors du contexte cannois, il est difficile de comprendre l’impression que nous fait un film influencé par toutes les projections des jours alentours. Je Rentre a la Maison est un petit cadeau, et de la part du cinéaste portugais, un bonheur inattendu.
La légèreté du film contraste avec la gravité des textes. Oliveira a toujours eu de très beaux textes. Mais ses plans fixes et interminables agaçaient le plus souvent. Ici il s’emploie à une réalisation plus dynamique, au rythme de la ville (Paris). Il a gardé quelques tics dans ce film : un dialogue en filmant des chaussures neuves, par exemple. Pourtant cela ne suffit pas à casser l’état de grâce qui s’insuffle dans le film.
Le sujet est malgré tout peu gai. Ouvertement mélancolique , Je rentre à la maison est une oeuvre sur le temps, sa relativité, et la mortalité. Les fantômes traînent ici et là. On cherche les traces de vie, les souvenirs de gens. Il scrute un quotidien insensé, rempli de petites choses sans importance. Il glorifie le théâtre porteur de textes intenses et ironise sur le cinéma, faisant répéter des scènes d’une vacuité absolue.
Comme tous les derniers films d’Oliveira, on y traite du deuil et d’un rapport spirituel. Il faut remonter à Bleu de Kieslowski pour retrouver un si bel hommage à l’absence des êtres aimés, et à la survie des présents, le grand père et son petit fils Serge. Film existentiel, Oliveira s’attache à ne montrer que l’essentiel, avec une belle maîtrise de son art. En rendant l’image abstraite et immobile, il oblige le spectateur à se concentrer sur le texte, philosophique. Ainsi la scène de théâtre en ouverture cadre Deneuve (dans un rôle similaire à Est-Ouest) tandis que c’est Piccoli qui parle. Le procédé est répété avec l’autre guest star, Malkovich (en réalisateur). Il captive son auditoire avec ses ressortissants du Couvent : ses stars forment la séquence.
Son scénario , riche en détails tantôt burlesques (le lecteur de Libé remplacé par celui du Figaro), tantôt anecdotiques (l’autographe comme seul héritage physique d’un acteur à ses fans), nous emmène vers un escalier difficile à monter, vers un lit pour se reposer ; le regard de Serge est alors inquiet, puis mélancolique et enfin triste. Il reçoit le poids de la vie de son grand père et devra vivre avec.
Pour être totalement juste, il faut hélas regretter le discours ratés sur les grandes villes et l’insécurité, ainsi que le discours facile sur le cinéma débile. Le cinéaste portugais filme Paris de manière bourgeoise et touristique. Déception. On ne lui reprochera pas, en revanche, de poursuivre ses portraits "gérontologiques" de messieurs s’interrogeant sur leur vie et la finalité de leur itinéraire.
Cette suite au Voyage au début du monde, dont ce film est comme l’écho optimiste, est sans aucun doute la réalisation potentiellement la plus populaire pour Oliveira En insérant des instants de dérision (la séance de maquillage du comédien) et des moments dénués de dramaturgie inutile, il a réussi un subtil équilibre permettant d’oublier les petites erreurs du film. Tout cela évidemment ne serait peut être pas aussi bon s’il n’y avait pas l’interprétation fabuleuse de Michel Piccoli, comédien polymorphe, gâteux ronchon, papy jouer et affectueux, star exigeante, veuf discret, et surtout homme fatigué. Toute cette fatigue d’une vie repose sur les épaules, comme le film est porté par cet Atlas devant monter un ultime escalier après avoir quitté les plateaux. On meurt seul, même quand on est célèbre.

Vincy-