- Eureka
 - Interview du producteur
 

(C) 96-01 Ecran Noir

Desert Moon
Japon
Sélection officielle (en compétition)
Projection: 18 Mai 2001
Sortie en salle : n.c.

Réalisation: Aoyama Shinji
Production: Suncent CinemaWorks
Scénario: Aoyama Shinji
Photo: Tamra Masaki
Montage: Aoyama Shinji
Durée: 128 mn
Mikami Hiroshi (Nagai)
Toyota Maho (Akira)
Kashiwabara Shuji (Keechie)
Ikari Yukiko (Kaai)
 
Nagai est le boss d'une start up en forte croissance mais au bord du dépot de bilan. Il semble s'en foutre. Il ne pense qu'à sa femme Akira et à sa fille Kaai. Elles viennent de le quitter. Il se passe des films de vacances, ne dort plus, n'en peut plus du stress économique qu'il s'inflige. Pendant ce temps Akira prend la décision de revenir aux sources et de partir à la campagne.
Keechie, paumé et gigolo, est engagé par Nagai pour coucher avec Akira. Akira embauche Keechie pour tuer Nagai. Les deux cherchent à détruire le souvenir d'une vie passée. Mais Keechie va finalement vouloir les réconcilier.
 
 
Aoyama Shinji est un des jeunes cinéastes les plus prometteurs du cinéma japonais. L'an dernier il avait présenté l'acclamé Eurêka au Festival de Cannes. Critique de cinéma et scénariste, son premier film sera réalisé en 96. Helpless est présenté à Toronto.
Il a engagé un casting de stars nippones. Ils sont tous très connus sur l'Archipel. Eurêka avait reçu le Prix de la Critique et le Prix oeucuménique à Cannes.
 
LE SANG RETROUVE

"Je m'accroche à l'argent parce que je n'ai rien d'autre."

Aoyama Shinji est indicutablement un metteur en scène brillant, avec une vision originale, singulière, parfois iconoclaste. Desert Moon a tous les airs d'un grand film mais il pêche par un discours parfois trop simpliste, trop facile dans un imaginaire fascinant mais évident. Comme si sa réflexion lucide et clairvoyante sur notre planète pas nette et très Net, ne parvenait pas à dépasser le simple stade du constat.
Pourtant, il a su jongler avec ses thèmes et harmoniser l'ensemble. Le scénario a d'ailleurs une puissance indéniable dans le sens qu'il donne à la vie. Il rend les tentations dérisoires. Il permet aux êtres de se retrouver à travers des confontations violentes. Enfin, il s'octroie une critique cynique du capitalisme et du matérialisme, qui renoue avec les oeuvres contestataires. Desert moon est un terrain de combat entre une vie microsociale et une vie macroéconomique, entre son désir et l'utilité, l'envie et la pression. Les souvenirs de famille alternent avec les bombes et les injustices. On est à la merci d'une société folle, et se sauve grâce au bonheur individuel qu'on situe vaguement autour d'une cellule familiale. Le diktat des actionnaires, le business qui gâche la vie ne résisteront pas à l'amour d'une femme. L'utopie réside ici dans la famille, le foyer. Cela anéantit le mythe de l'entreprise, de l'économie, l'aservissement au grand capital, la dictature du payeur; pour un film japonais, c'est plutôt révolutionnaire. Le chef d'entreprise se plaint d'avoir un boulot de merde, mais se plie aux responsabilités. Cette guerre entre le devoir et le désir définit bien la transition vécue par la société japonaise actuelle.
"Quand on obtient ce que on a désiré, cet objet tant désiré disparaït." Cela résume bien Desert Moon. Le réalisateur filme l'illusion, la réalité virtuelle ou la virtualité si réelle. Ici l'illusion c'est le pouvoir et l'argent, c'est le mensonge qui est parfois plus fort que la vérité, c'est le rapport entre l'Homme et l'image, entre son souvenir réel qui se fâne et cette mémoire virtuelle qui perdure. Cela amène son lot de désillusions, la recherche d'un idéal. La solution est hélas trop évidente, trop cliché : retour aux sources, maison à la campagne, vieux jouets en bois... Le parcours pour y arriver et pour réconcilier cette famille au bord de la crise de nerfs, est bien plus intéressant, mélangeant les allégories, un montage fluide et une réalisation originale. Aoyama Shinji scrute des gens dans de vastes espaces, il réduit l'homme et pourtant ne s'intéresse qu'à lui. Cette famille détruite va devoir détruire le matérialisme ambiant qui les pourrit tous. Il peuple son univers tragique de mirages et de messages. La Lune, image de fond d'écran rapettissant le rêve à une simple photo numérique, n'est qu'un des symboles libre d'interprétation. Le film nous échappe parfois, nous laisse à nos divagations...
Ce parricide annoncé n'est qu'en fait l'illustration de notre décadence et d'une volonté d'affranchissement; Desert Moon éclaire facticement nos vies, alors qu'on cherche le soleil, la vraie lumière.

Vincy-