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Viendra le feu (O que arde)

Certain Regard
Espagne / sortie le 04.09.2019


PORTRAIT DE L'HUMANITÉ EN FEU





S’ils font souffrir, c’est qu’ils souffrent.

Est-ce une prophétie, une menace, ou une simple constatation ? Le titre énigmatique du troisième long métrage d’Oliver Laxe le place d’emblée sous le signe de l’attente, et d’une part d’inquiétude. Quel sera ce feu à venir ? Celui qui ravage les paysages du monde, ou celui qui brûle les êtres humains de l’intérieur ?

Les deux, évidemment, car d’une certaine manière tout se consume dans ce récit minimaliste et quasi documentaire qui fait le portrait d’un homme autant que d’une région, la Galice, et d’un mode de vie à la simplicité édifiante qu’Oliver Laxe filme sans hâte, dans des plans fixes et courts. Un homme qui traverse une pièce, une femme qui se couche, un couple dans une voiture. Le quotidien banal de personnages minuscules interprétés par des acteurs amateurs qui jouent presque leur vie. Il y a quelque chose de magique et d’hypnotique à observer ces gestes et ces mouvements captés dans une image et des plans à la beauté surnaturelle. La nature majestueuse, une silhouette dans le brouillard, un nuage de fumée qui masque le soleil… Tout est somptueusement composé pour donner à voir cette réalité sans fard telle qu’on ne la remarque plus, et dans laquelle l’être humain est réduit à l’infime parcelle d’un tout qui le dépasse.

Et puis il y a le feu, filmé comme probablement on ne l’avait jamais vu, au plus près du brasier, comme un étrange rituel païen de destruction totale ou de purification absolue, on ne saurait dire. Tout à sa fascination, et à sa soif d’images grandioses, Oliver Laxe pose très peu de questions, et donne encore moins de réponses, laissant au spectateur toute liberté de se projeter dans le film pour y lire son propre rapport à la nature et ses propres obsessions face à la déliquescence du monde. Qu’importe donc si on y apporte ce qui n’y est pas, Viendra le feu porte intrinsèquement en lui une révolte (contre la fin d'un monde) et un plaidoyer (pour prendre le temps de regarder la beauté en face). “Il n’y a pas besoin de comprendre les paroles pour aimer la musique” dit ainsi un personnage en écoutant l’indémodable Suzanne de Leonard Cohen, et c’est comme un instant de grâce non seulement dans le récit, mais dans l’existence en général.

MpM



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