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Une grande fille (Beanpole)

Certain Regard
/ sortie le 07.08.2019


APRES LA GUERRE





- T’as jamais vu de chiens ?
- Il en aurait vu où ? Ils ont tous été bouffés.”


Deux ans après ses débuts fracassants à Cannes avec Tesnota, Kantemir Balagov est de retour avec un film tout aussi éblouissant formellement, qui vient confirmer les attentes que l’on avait placées dans ce jeune cinéaste russe de 28 ans. Il ne faut pas s’arrêter à son titre d’une littéralité effroyablement maladroite : Une grande fille est certes le portrait d’une jeune femme de grande taille, mais surtout celui d’une époque profondément troublée lorsqu’après la fin de la guerre et du terrible siège de Leningrad, toute une population doit réapprendre à vivre.

Ce sont les effets de ces traumatismes passés sur les individus, et notamment sur les femmes revenues du front, qu’observe Kantemir Balagov. Pour cela, il les place dans une situation quelque peu alambiquée, assez symptomatique d’un scénario qui ne fait pas dans la dentelle. C’est là le point faible du film, dont les différents rebondissements sont sur-écrits, soulignant les dilemmes et les remords moraux de chaque personnage, chargeant parfois le récit jusqu’à l’indigestion. Cet aspect mécanique de l’écriture entraîne un récit relativement dialectique dont le cinéaste semble finalement ne savoir quoi faire, tant il multiplie vainement les issues possibles.

Ce qui retient (magistralement) l’attention se situe clairement sur un autre plan. L’aspect esthétique du film, évidemment, qui mêle une mise en scène époustouflante à un travail de l’image d’une étonnante beauté, avec des plans séquences virtuoses et des teintes parfois mordorées qui rendent l’atmosphère atemporelle. Quelques scènes à la puissante force d’évocation, également, comme le long monologue presque final de Masha, qui éclaire brutalement ce personnage dont une facette nous échappait. Ou encore la perception tout sauf héroïque de cette guerre certes victorieuse, mais dont le prix exorbitant apparaît en filigrane tout au long du récit.

Récompensé d’un évident prix de mise en scène ainsi que du prix de la critique internationale lors du 72e Festival de cannes, Une grande fille s’avère ainsi une fresque intimiste intense, parfois déconcertante dans ses aléas narratifs, mais aux enjeux forts, dépassant de loin le prétexte initial de l’intrigue. Le deuxième long métrage de Kantemir Balagov vaut ainsi bien mieux que ses tendances appuyées à la surenchère mélodramatique.

MpM



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