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Frankie

Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 28.08.2019


FADO MINEUR





« Il n’y a pas de quoi désespérer de l’amour. »

Avec Frankie, Ira Sachs signe une œuvre mélancolique et délicate autour d’une star de cinéma qui se sait condamnée par la maladie, décidant de réunir les siens dans la très jolie ville de Sintra, près de Lisbonne.

Isabelle Huppert n’a aucune difficulté à jouer cette femme qui se prépare au grand départ. Elle apparaît ainsi comme dans la chanson de Pierre Lapointe : « Tu nages dans l'eau de la piscine, Défi de motricité fine, Tu sembles incarner le divin, Comme si David Hockney t’avait peint. » Entourée d’acteurs de divers horizons (certains ne trouvant jamais leur personnage), la comédienne française semble en zone de confort dans ce personnage qui lentement défaille physiquement et cesse finalement de vouloir être cet astre autour duquel tout gravite.

Cependant, le film, sans doute à cause d’une construction qui s’avère finalement très artificielle, rendant l’ensemble aussi théâtral que factice, n’a ni les qualités et le charme de ces trois derniers films – Keep the Lights on, Love in Strange, Brooklyn Village.

Bien sûr, Ira Sachs n’a pas perdu son talent d’écriture en cours de route. Même s’il sacrifie certains personnages et n’approfondit aucune de ses pistes dramaturgiques. Assez superficiel dans le propos, le récit s’avère atone, ne décollant jamais de son faux-plat, malgré un début fanfaronnant où les piques et les ironies nous font presque croire à une comédie de mœurs.

Dans ce décor enchanteur, où l’on passe du brouillard au soleil le plus estival, c’est pourtant bien le drame qui va assombrir les pensées de chacun et l’atmosphère du film en général. On comprend vite qu’autour de l’actrice est égocentrée et vaniteuse, tout se dérègle. Les névroses des uns rejaillissent tandis que les angoisses des autres s’exposent.

Malheureusement, en juxtaposant une série de duos les uns après les autres, le film manque de lien. Ira Sachs propose une sorte de variations autour des mêmes thèmes – la difficulté d’aimer et d’être aimé – dérivé à l’infini à travers ses configurations : la mère et le fils, sa belle-fille et son époux, l’actuel mari et l’ex, etc… C’est assez vide, pour ne pas dire vain. Et le ton sarcastique du début, et notamment ses moqueries sur le cinéma, se transforme en petits drames intimes inintéressants, pas très convaincants.

L'ultime séparation

Film très bavard, et très écrit, Frankie est à la fois un cri de désespoir et un état des lieux de la désillusion. Cette famille recomposée ne se rassemblera jamais – ce qui aurait pu donner un élan choral à l’œuvre – puisque même au point de rencontre, ils sont tous séparés sur la crête de la montagne, face au soleil qui décline à l’horizon.

Cette sonate d’été un peu prétentieuse, où les humeurs sont aussi changeantes que le climat, où les tourments sont bien banals, prend parfois un peu de relief dans ce désert d’émotions. C’est le cas avec ce beau plan final face à l’océan. Mais on se souviendra surtout de la séquence où Frankie et son mari (Brendan Gleeson, au jeu sobre et parfait) partagent un dernier moment d’intimité et d’amour, dans leur lit puis autour du piano. Ce moment bouleversant du film, quasiment sans paroles, en dit cent fois plus que tous les monologues et dialogues entendus.

C’est sans doute là qu’Ira Sachs trouve d’ailleurs la plus belle illustration du sujet de son film : comment anticiper son départ, comment apprivoiser la mort, que l’on soit celle qui s’en va ou ceux qui restent. Il y avait là matière à un grand film. Mais Ira Sachs n’a pas fait assez confiance à ces personnages, ne les laissant pas vivre, les enfermant dans un concept qui nous laisse aussi froid que distant.

vincy



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