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Le Daim

Quinzaine des réalisateurs - Ouverture
France / sortie le 19.06.2019


LE BONHEUR EST DANS LE DAIM





"Si tu cherches des salopes pour ton porno, moi je suis carrément disponible."

Dans son nouveau long-métrage, le réalisateur de Réalité et de Au poste! prend un malin plaisir à mettre en scène la folie d’un personnage particulièrement atypique. Le Daim raconte en effet comment George décide un jour de tout plaquer (et de se ruiner) pour aller s’acheter le blouson « 100% daim » de ses rêves. Très vite, cet achat coûteux vire à l’obsession tandis qu’une relation de possessivité mutuelle se dessine entre l’acquéreur et cette veste fétiche.

"Je promet de ne plus jamais porter de blouson de toute ma vie"

Dès la séquence d’introduction, Quentin Dupieux donne le ton : Le Daim traite de blousons et (presque) de rien d’autre. Avec George, un personnage principal brillamment incarné par Jean Dujardin (qui excelle dans le jeu du corps et dans la normalisation des situations les plus dingues), Quentin Dupieux réfléchit à notre rapport aux objets et plus particulièrement aux vêtements et aux matières. Plus qu’un projet sur un habit, le cinéaste repense le lien que l’on tisse malgré nous avec ce que l’on porte - et donc ce qui nous distingue et nous prtège des autres - et surtout ce que l’on adore posséder. « Quand j’aime bien une paire de chaussures, je l’achète trois fois ! » reconnait-il d’ailleurs.

Avec sa galerie de personnages un peu bancals (une prostituée, un réceptionniste, des « figurants »), le réalisateur-scénariste propose en outre une réflexion "metatextuelle" sur la folie créatrice (et son emprise). Car George, bien qu’habité par la conscience de son blouson en daim, finit par vouloir réaliser un film autour dudit blouson. Une idée qui lui permet de rencontrer Denise (Adèle Haenel, merveilleuse avec sa folie plus douce mais néanmoins tout aussi obsessionnelle), serveuse le jour et monteuse amatrice la nuit. Ce personnage féminin, le meilleur que Quentin Dupieux a jamais écrit, offre au spectateur de superbes rebondissements qui font instantanément osciller Le Daim entre comédie et thriller. Pastiche de "slasher" et mise en abime du processus créatif cinématographique, le film vrille vers un épilogue aussi soudain que fou, sans moral ni psychologie.

"Regardez-vous! Quelle allure!"

Grâce à une intelligente désaturation de l’image et l’absence de repères spatio-temporels, dans ce bled paumé resté dans son jus des seventies, le cinéaste embarque le spectateur dans une aventure aux confins de l’aliénation. George est-il fou ? Est-il plus féru de la matière ou de l’animal ? Son film amateur a-t-il un avenir ? Jusqu’où peut aller sa relation de travail avec Denise ? Autant de questions qui trouvent (ou pas) une réponse dans la séquence finale et son twist renversant.

Georges est donc à l’image du Daim : légèrement effrayant, souvent ridicule et tout le temps à la limite de l’absurde. Il veut exister (comme dans la chanson de Joe Dassin entendue au début du film), quitte à être narcissique, fétichiste ou devenir timbré. Ils veulent tous exister d'ailleurs, de la pute à la barmaid qui se rêve monteuse de cinéma. Cette schizophrénie ambiante donne un film complètement frappé, passant avec jubililation d'un massacre d'innocents à blouson au pur burlesque. Une très belle surprise !

wyzman



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