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Miele

 

Euforia

Certain Regard
Italie / sortie le 20.02.2019


FRÈRES DE LARMES





«- Si on baise ? Non, on est trop intimes. C’est ma dame de compagnie. »

Avec ce deuxième film en tant que réalisatrice, Valeria Golino filme une fracture sociale à travers une scission fraternelle. Euforia essaie de les réconcilier malgré leurs différences. Dans cette ville en mouvement, avec la belle énergie des acteurs, elle cherche une voie étroite pour rapprocher deux hommes qui représentent deux Italie.

L’un hédoniste, élitiste, gay, expansif, cocaïné, bling-bling, à l’aise dans sa vie à 100 à l’heure et mondialisée. L’autre est taciturne, presque asocial, issu de la classe moyenne, et surtout malade. Un profiteur du capitalisme et un rêveur d’une société plus égalitaire. Plus personnellement, l’un s’est créé sa famille, quand l’autre a besoin de sa vraie famille.

Sensible et touchant, le film commence avec cette déclaration d’amour chantée par Joe Dassin, « Si tu n’existais pas ». Avec quelques répliques ironiques, des situations cocasses, la première partie ressemble à nombre de comédies du même genre où deux frères/sœurs, autrefois complices, sont devenus radicalement différents, ne se comprennent pas. Mais avec un frère condamné à mourir, on voit bien que l’on se dirige davantage vers le mélo.

On remercie alors Valeria Golino de ne pas trop en faire dans le pathos. Même si ça dessert un peu le rythme dans la seconde partie, la cinéaste préférant le flottement des émotions aux tourments exagérés. Elle ne semble s’intéresser qu’à la relation complexe entre les deux hommes, avec leurs sentiments et les ressentiments, avec leur amour et leur haine, quitte à relâcher un peu son scénario. De façon subtile, elle nuance progressivement nos préjugés à leur égard, dévoilant leurs blessures et leur besoin criant de ravaler leur fierté, de se mettre à nu.

Elle chasse la tristesse et les larmes en choisissant le « carpe diem » et la réconciliation. L’amour n’est jamais loin si on se laisse porter. La dolce vita est encore possible. La réalisatrice préfère la lumière du soleil à la noirceur des âmes. Car derrière leurs stéréotypes, les deux frères ont en commun un cœur immense.

Etait-il alors nécessaire de construire un environnement aussi clinquant, avec une galerie de personnages aussi stéréotypés ? A moins que Golino ne se moque de cette société italienne post-Berlusconi, entre feuilleton de romance et vulgarité assumée.

C’est ce qu’on devine quand, dans des moments cyniques inattendus, l’un se révèle vaguement homophobe et l’autre légèrement xénophobe. Le titre d’Euforia est tout aussi ironique : c’est bien la mort qui va rapprocher les deux frères. Il n’y a aucune joie à attendre. Une Italie malade de ses excès, de son individualisme, de sa déculturation.

Car, finalement, comme pour Miele, son premier film, Valeria Golino euthanasie une fois de plus son pays. La disparition de ce / ceux qu’on aime laisse toujours un goût amer.

vincy



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