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Le monde est à toi

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
France / sortie le 15.08.2018


GANGS OF SARCELLES





«Lui il va être adjoint au maire, mannequin, conseiller d’orientation...»

Romain Gavras ne manque pas de références, et notamment dans le cinéma américain. Son récit, sa mise en scène, ses dialogues surfent sur les films de Scorsese, Tarantino, Gray et autres contemporains spécialistes des films de malfrats à la petite semaine (mais qui voient grand), de losers des quartiers oubliés, des clans communautaires (beurs, zaïrois, …).

Evidemment, il y a joute une touche française (un brin ringarde) avec des chansons très eighties, de Balavoine à Sardou en passant par Voulzy. Mais pour le reste, on ne sera pas vraiment surpris par le scénario qui déroule une intrigue maintes fois vue. L’originalité provient plutôt du personnage principal incarné par un formidable Karim Leklou. Fils à maman, son envie d’une vie normale de classe moyenne doit passer par le coupage de cordon ombilical.

C’est tout l’intérêt du film. Cette relation empoisonnante, vampirisante, possessive, passive agressive entre la mère (Adjani, qui alterne le génie dans certaines séquences, sa propre caricature de temps en temps et son absence inexplicable dans des plans qu’elle ne sait pas habiter). Reconnaissons que l’actrice se régale à jouer son personnage lunatique. et nous procure un plaisir précieux.

« Il vient de faire 12 ans de prison, il peut patienter 15 minutes. »

Sous la forme d’une comédie, ce film d’arnaque, qui évite toute violence frontale et gratuite (à l'exception d'un mort vers la fin), s’amuse aussi des clichés du genre. Certains dialogues, même si eux aussi ont tendance parfois à se complaire dans une écriture trop travaillée, trop « américaine », font franchement rire. Certaines séquences sont réellement cocasses ou absurdes. Chacun des rôles, hormis peut-être celui de François Damiens qui n’apporte pas grand chose au récit hormis un cynisme sur l’immigration assez jouissif, est un prétexte à une dérision bienvenue. A l’image de Vincent Cassel qui excelle en homme cassé, un peu neuneu, et obéissant. Seule, Oulaya Amamra (Divines) incarne avec une certaine dramatisation cette jeunesse prête à tout, quitte à trahir et à ne pas savoir miser sur le long terme.

De Sarcelles à Marbella, avec trafic de cannabis et paquet de pognon en jeu, l’arnaque va d’abord foiré de tous les côtés avec des nerveux, des shootés, des psychopathes et des égocentriques. Des amateurs à la petite semaine qui vont se faire rouler par le fils à mamma et la fille à papa, rondouillards et sous-estimés par tout le monde.

Outre les moments décalés (le prologue en est la meilleure illustration avec l’enjeu du braquage, qui surprend), les figures imposées, et le piège final qui se referme sur presque tous les protagonistes, Romain Gavras livre un film lumineux, parfois joyeux, et divertissant. Mais ce qui séduit le plus dans Le Monde est à toi c’est bien cette solidarité entre les soumis humiliés, ceux qui n’ont pas besoin de flingues pour se croire viril ou de fric pour s’acheter l’amour.

Naïf ? En tout cas, avec efficacité et sans révolutionner le genre, le cinéaste veut montrer que le monde est aux bons.

vincy



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