39-98 | 99 | 00 | 01 | 02 | 03 | 04 | 05 | 06 | 07 | 08 | 09 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19


 
 
Choix du public :  
 
Nombre de votes : 11
 












 
Partager    twitter



festival-cannes.com

 

Mariana

Semaine critique - Films en sélection
Chili / sortie le 13.12.2017


FEMME SOUS INFLUENCE





"- Vous devriez tous être en prison !
- Pas d'inquiétude. C'est en bonne voie.
"

En version originale, Mariana s’appelle Los perros, les chiens. Le glissement d'un titre collectif indéfini ambivalent (toute la question étant de savoir qui sont les chiens en question) au prénom du personnage principal valide à priori l’idée du portrait de femme. Mariana travaille dans une galerie d’art, appartient à la haute bourgeoisie chilienne, vit dans une splendide demeure. Elle aime s’imaginer en femme libre et sauvage qui n’en fait qu’à sa tête, et refuse de voir qu’elle évolue en réalité dans un cadre strictement défini. Tout au long du film, elle se heurte aux barrières invisibles de cette cage dorée : le voisin agressif, le père qui ne la prend pas au sérieux, le mari qui la voit comme un ornement agréable. Dans cette société machiste et violente, il faut être une femme de caractère pour résister aux injonctions masculines. Or, si Mariana semble vouloir s'opposer à ce joug patriarcal ultra hiérarchisé, ses choix ne font que le perpétuer. Malgré l’état de décomposition avancée de son couple, de sa famille et de son pays, dont elle a pleinement conscience, Mariana cherche à les sauvegarder dès lors qu’ils sont menacés. A la fois complice et victime, elle est l’allégorie d’un pays qui refuse de se remettre en question, traque les criminels qui n’ont ni soutien ni argent mais protège ceux qui demeurent puissants et préfère inlassablement qu’au fond rien ne change.

À travers l’histoire du colonel, poursuivi pour ses actions durant la dictature, complice potentiel de nombreuses disparitions, Marcela Said met au jour les blessures jamais refermées d’un pays qui s’est reconstruit sur le faux semblant d’une justice à deux vitesses. Le film, via une simple réplique, renvoie dos à dos les « revanchards sociaux » et les « complices passifs ». La réalisatrice n’est clairement pas là pour donner une leçon d’histoire ou de justice. Elle s’abstient de tout regard moral ou du moindre didactisme sur l’histoire qu’elle raconte. Il ne s’agit pas de savoir qui a tort et qui a raison, mais simplement de décrire un état de fait. D'ailleurs les personnages sont tous troubles, voire antipathiques. Le film lui-même ne cherche pas à être aimable, et il a quelque chose de malaisant qui interpelle le spectateur. C’est surtout le cheminement de Mariana qui s’avère glaçant : alors que tout laissait espérer un élan de libération, c’est à un confinement volontaire que l’on assiste, entre résignation et reproduction consciente d’un système qui, à ce rythme-là, a encore de beaux jours devant lui.

MpM



(c) ECRAN NOIR 1996-2024