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Un homme intègre

Certain Regard
/ sortie le 06.12.2017


Corruption 1 Intégrité 0





"Dans ce pays, on est forcément soit oppresseur, soit oppressé. "

Au moment où son nouveau film sort sur les écrans français, Mohammad Rasoulof est à nouveau retenu en Iran, privé de sa liberté de circuler et de travailler, depuis qu’au retour d’un voyage aux Etats-Unis en septembre 2017, on lui a retiré son passeport. Depuis, une pétition circule pour exiger qu’on lui rende sa liberté de voyager et de créer.

En mai dernier, il était pourtant invité en toute légalité à Cannes pour présenter Un homme intègre en section Un certain regard, où il remporta d’ailleurs le Grand prix. D’une grande sévérité à l’égard du mode de fonctionnement de la société iranienne, le film est un brûlot sur les contradictions d’un pays qui affiche une moralité exemplaire tout en dissimulant la généralisation des pratiques de corruption et d’intimidation. Ce à quoi est confronté le personnage principal, ce n’est rien de moins que l’application systématique de la loi du plus fort, permettant aux puissants d’écraser les faibles et empêchant ceux-ci de se défendre.

Mais si Mohammad Rasoulof avait déjà abordé cette question dans ses précédents films, il va cette fois plus loin avec le constat, terrible, que l’intégrité et l’honnêteté sont devenus de vains mots en Iran. C’est seulement en ayant recours aux méthodes (immorales et violentes) de ses ennemis qu’il est possible de triompher d’eux. L’homme intègre du titre va ainsi faire le lent apprentissage de l’adage « la fin justifie les moyens » afin de sauver sa famille et sa vie.

On peut reprocher au cinéaste d’y aller un peu fort dans la surenchère mélodramatique, tous les malheurs du monde semblant s’abattre en même temps sur la famille du héros. Sans doute aurait-on aimé un peu plus de nuances. Toutefois, cela n’enlève rien à la puissance de la charge menée par le cinéaste contre une société en décomposition, pourrie en son cœur par l’hypocrisie et la violence sociale, et dans laquelle les forces vives du pays sont mécaniquement condamnées à opter pour le vice et l’impunité, sous peine d’en être définitivement écartées. Ainsi a-t-on l’impression d’avoir franchi un palier dans la représentation du régime iranien au cinéma : il ne s’agit désormais plus tant d’en dénoncer les dérives, que d’alerter sur les conséquences à moyen terme. Que peut-il advenir d’un peuple contraint à une forme de schizophrénie infernale due à la double nécessité de paraître respectable tout en ayant au contraire un comportement illégal et indigne ?

MpM



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