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Jean-Luc Godard ou l’absolu cinématographique :

 

Notre musique (Notre musique)

Sélection officielle - Hors compétition
France


Documentaire philosophique




� Si quelqu’un comprend ce que je dis, c’est que je me serais mal exprimée. �

Cette phrase, énoncée par une des comédiennes de Notre musique serait-elle un clin d’œil de Jean-Luc Godard � l’accueil communément réserv� � son cinéma ? Soulignerait-il par l� que ses films ne sont pas aisément compréhensibles ? Parce que oui, effectivement, les faits sont l�. Passée la sacro-sainte période des films des années 60 et celle des films des années 80 (Je vous salue Marie, Passion�) les films du cinéaste, il faut le dire, sont difficiles d’accès. Mais sont-ils pour autant incompréhensibles ? Non.
Notre musique, qui est davantage une réflexion philosophique en images qu’un film de fiction, est en quelque sorte un regard que porte le cinéaste sur l’histoire de l’humanit�. On y voit d’abord l’enfer, constitu� d’images (plus affreuses les unes que les autres) sur des guerres, des tueries en tous genres, des hommes armés, des morts ensanglantés, des pendus� Un concentr� d’horreur humaine qui retrace l’histoire de l’homme dans ce qu’elle a de plus abjecte� et de plus réel…En commentaire : � ainsi, après le temps des déluges, il sortit de la terre des hommes armés qui s’exterminèrent �, ou encore � ils sont terribles ici avec leur manie de trancher la tête des gens �. D’une gaît� insoutenable�

Cette partie, d’une durée de dix minutes, est suivie du purgatoire (le second royaume). Ici, Godard abandonne son travail documentaire (ce ne sont plus des images d’archives) pour mettre en scène des personnages qui discutent sur cette humanit� si troublée. Ce sont alors des réflexions sur le non sens de la guerre : � Pourquoi la révolution n’est-elle pas faite par des hommes plus humains ? Parce que les hommes plus humains font des bibliothèques� et des cimetières �. D'autres mots : � tuer un homme pour une idée n’est pas défendre une idée �.
Notre musique devient alors parfaitement une sorte de précis de philosophie contre la guerre et son absurdit�. Ce sont des mots et des idées, balancées en l’air, qui retombent sur des images. L’air de rien (le cinéaste a souvent l’air de rien lorsqu’il profère des mots qui sont loin d’être anodins), Godard nous donne � réfléchir. Dans son propos, il nous interroge aussi sur le conflit israélo-palestinien en parlant de poésie (la poésie est toujours du côt� des vaincus), sur le champ/contre-champ (� champ/fiction : les juifs marchant vers la mer ; contre-champ/documentaire : les palestiniens marchant vers la noyade �)

Dans la dernière partie, enfin, nous accédons au paradis. Mais les allées du paradis sont gardées par des Marines américains, alors�

Rassurons-nous, malgr� de sujet difficile et aride, l’humour du cinéaste est toujours présent. Comme pour donner un souffle d’air, une note de dérision dans cette peinture si sinistre. Pour preuve, une scène du film : une interview fictive. Une voix de femme demande � Godard si les nouvelles caméras numériques pourront sauver le cinéma. Long silence. Comme si la question était incongrue et que le cinéma ne pouvait pas être sauv�. Du moins pas par le numérique. Rires des spectateurs� Ou : � - Une journaliste israélienne vous attend � l’entrée �. � - Ça fait 8000 ans qu’ils attendent �.
Ou encore : � le communisme a exist� deux fois quarante-cinq minutes �� lors d’un match de football�
Sans oublier les clins d’œil malicieux � ses films ou textes passés que le réalisateur glisse de temps � autres : une presque reconstitution de la soirée du début de Pierrot le Fou, un quasi Jean-Pierre Melville issu d�A bout de souffle ou encore la phrase : � pas une conversation juste. Juste une conversation � (en référence � � ce n’est pas une image juste. C’est juste une image. �

Parce que Godard est finalement une sorte de mémoire du cinéma, du sien et des autres, que ce soit en termes de fiction ou de documentaire. Il est l� pour nous rappeler le pass� et nous le remettre sous les yeux. Sa lecture de l’histoire (passée et actuelle) est toujours d’une richesse incroyable. En cela, il tient une place depuis longtemps très particulière au sein du cinéma français et mondial. Une place qui serait réservée aux philosophes du cinéma en quelque sorte.
Si vous comprenez ce que j’ai écrit, c’est que je me serais mal exprimée�

Laurence



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