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Douleur de la mer

Sélection officielle - Séances spéciales
Grande Bretagne


LE SILENCE DE L'AMER





"Si l'on cède devant les fascistes, ils ne cesseront de gagner du terrain. "

Face à un documentaire comme Douleur de la mer, il est nécessaire de commencer par faire la part entre le sujet du film et son traitement cinématographique. Il est évident que la question actuelle des réfugiés, et notamment de l'indigence de leur accueil en Europe, est un problème central et majeur dont on ne parlera jamais assez. Le sort de milliers d'enfants ayant tout simplement disparu depuis leur arrivée sur le continent est trop alarmant pour que l'on puisse se permettre de rejeter la moindre voix rappelant leur existence.

Ceci étant posé, il faut reconnaître que c'est à un exercice compliqué, voire impossible, que s'est prêtée l'actrice Vanessa Redgrave en choisissant ce thème délicat pour son premier film en tant que réalisatrice. On ne peut nier son engagement qui est réel et ancien. On ne peut nier non plus sa bonne foi et sa sincérité. Pourtant, Douleur de la mer n'échappe pas à deux défauts majeurs : d'une part il montre un peu trop la comédienne et ses proches (sa fille, notamment), ce qui peut être perçu comme une maladroite mise en avant, et d'autre part, il frôle le voyeurisme à plusieurs reprises, à force de vouloir absolument marquer les esprits. Au moins a-t-il le mérite d'ouvrir une nouvelle fois le débat : faut-il montrer des images d'enfants réfugiés hurlant dans des canots surchargés ? Faut-il montrer les corps de ces mêmes enfants morts pendant la traversée ? Le documentaire n'est clairement pas là pour trancher ces questions de morale cinématographique. On sent l'urgence et la douleur derrière chaque séquence. Peut-être Vanessa Redgrave n'est-elle pas une grande documentariste, mais ce n'est pas une hypocrite.

Elle montre ce qui la choque, parle de ce qui l'émeut. Tout dans le film est sous le signe d'une trop grande émotion, quitte à mélanger les souffrances et tomber dans le piège des comparaisons. On n'est notamment pas très convaincu par l'utilisation qu'elle fait des références à la déclaration universelle des droits de l'homme ou par le parallèle très appuyé entre la situation actuelle et d'autres cas de vagues de réfugiés dans l'Histoire, et notamment sous le nazisme. Si l'on comprend l'analogie qu'en font ceux qui ont vécu l'exil, comme le député qui œuvre en faveur des migrants en Grande Bretagne, c'est une fois encore assez maladroit. Et un peu contreproductif, car, une fois posé le fait que l'Histoire n'est qu'un immense recommencement, cela empêche le film d'approfondir les particularités de la situation actuelle, et d'y apporter des éléments de réponse concrets. La voix des associations et autres institutions engagées dans l'aide aux réfugiés (et notamment dans l'aide au rapatriement des mineurs isolés) aurait dû prévaloir sur des passages plus abstraits, comme le long extrait de La tempête de Shakespeare ou un discours de Thomas Moore. Reste que l'on peut saluer l'engagement de Vanessa Redgrave qui signe à 80 ans un premier film imparfait mais malgré tout indispensable.

MpM



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