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L'Amant double

Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 26.05.2017


UNE ANCIENNE AMIE





«- Mentir pour séduire, c’est une pratique courante chez les jolies femmes, surtout les frigides. »

L’amant double porte bien son titre : avec son nouveau film, François Ozon fait l’amour avec Hitchcock (Sueurs froides) et Polanski (entre Répulsion, Rosemary’s Baby et La Neuvième porte). Ecrit comme ça, tout est prometteur. Malheureusement, à cause d’un scénario inutilement tortueux et une mise en scène qui ne sait pas dénouer son apparente complexité, ce thriller psychologique perd le spectateur très rapidement.

A jouer malicieusement avec ses références, le cinéaste oublie son histoire mais surtout s’efface derrière un style trop visible. Au milieu de plans assez inutiles (à la manière d’un feuilleton tévé, on a le droit aux voitures qui se garent, aux entrées et sorties d’immeubles, etc …), il insère des idées visuelles symboliques intéressantes (le vagin se fondant dans l’œil d’une femme), soigne ses décors, ses couleurs et ses cadrages, mais abuse de ses thèmes (le dédoublement, la psychanalyse) avec des jeux de miroir maintes fois vus, un onirisme fantastique un peu kitsch ou un escalier en spirale vertigineux.

Entre belles idées et séquences de mauvais goût, Ozon ne sait pas comment aborder son sujet, de manière fantastique (avec clin d’œil à Alien, La femme aux deux visages, Christine) ou allégorique. L’ensemble en deviendrait presque pathétique. L’obsession de la gémellité (la fiche wikipédia est une bonne source de dialogues et lui permet de décliner scolairement tous les cas du genre) et l’exploration de l’inconscient fournissent à l’héroïne de quoi partir en vrille. Mais jamais nous n’y croyons, nous ne ressentons son mal-être et sa folie intérieure. A trop manipuler et tromper le spectateur, à trop jouer avec le fantasme et la réalité, le réalisateur s’égare dans un récit qui ne tient pas debout (rétrospectivement, le film est même invraisemblable).

Jeune et folie

L’amant double souffre d’une narration confuse, d’un environnement factice, de personnages désincarnés et d’une réalisation tape-à-l’œil. Se prenant tellement au sérieux, le cinéaste, involontairement, rend son film risible, et même grotesque, avec son ultime séquence (trois petits coups et puis partons). C’est un peu comme lire un Marc Levy, polar de gare et romance fantastique, où, pour combler l’ennui de sa morne vie, l’héroïne s’invente une existence plus palpitante. Hélas, le personnage de Marina Vacth ne nous intéresse jamais. Encore moins quand Ozon lui invente des fantasmes plus masculins que féminins, jusqu’à l’improbable et si stéréotypé « désir de viol », très embarrassant.

Ce n’est pas mieux du côté des autres personnages, même si Jérémie Renier s’en sort mieux dans le rôle du psy affectueux et attentif, il ne peut pas sauver son « double » caricature du salaud (forcément brutal et odieux, il DOIT être tout l’inverse). Qu’on se comprenne bien : en essayant de traduire cinématographiquement la dualité des personnalités que nous avons en nous, Ozon a cherché une voie accessible à tous et fidèle à son cinéma. Mais en empruntant autant aux maîtres du genre, en lissant toute originalité dramaturgique et en grossissant chaque trait des personnages, il construit un nanar anthologique. « La prochaine fois, il faudra jouir » ordonne le jumeau-baiseur. Et c’est exactement ce qui arrive au réalisateur : une absence de chair, de sens, de folie. Un film cérébral, qui refuse tout plaisir animal. A coup d’examens et d’imageries médicaux, L’amant double s’avère aussi clinique qu’hygiénique. Jamais captivant (un comble pour un film qui se veut à suspens).

Avec la multiplication des rêves et des cauchemars, il s’embarque en plus dans une direction de série B comme binaire (un comble). La sexualité masculine est ainsi réduite à un rôle de pénétrant ou de pénétré (mâle alpha ou homme féminin si vous préférez) tandis que la sexualité féminine est fluctuante et mystérieuse. Cela conduit le film à une forme de vulgarité froide. On hésite entre rire aux éclats ou être couvert de honte. Car c’est bien l’impression générale de ce thriller, parfois gore, jamais bandant, trop bavard, toujours sans queue ni tête : un long moment What the Fuck du début à la fin.

Comme si Ozon avait préféré le jumeau parasite, le « faible », celui qui se fait avaler par l’autre, le grand film qu’on espérait.

vincy



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