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Une femme douce (Krotkaya - A Gentle Creature)

Sélection officielle - Compétition
Russie


UN PROCÈS SANS APPEL





"- Je ne comprends pas ce peuple."

Si Serguei Loznitsa ne comprend plus ses semblables, il se pourrait que la réciproque soit vraie, tant on reste extérieur et presque indifférent à Une femme douce, son nouveau film. Au départ, le cinéaste se concentre sur un panorama de situations bureaucratiques ou quotidiennes absurdes qui se déroulent au bureau de poste et dans le bus, puis à la gare ou encore à l'accueil de la prison. À chaque scène, on sent une situation kafkaïenne se mettre en place, et en filigrane la dénonciation d'un système absurde qui broie les individus et leurs droits individuels les plus fondamentaux. Certes, c'est particulièrement inconfortable pour le spectateur, qui est pris dans l'engrenage au même titre que le personnage. Mais on se dit que l'on est face à une parabole dans laquelle chaque élément a un double sens, et qu'il suffit de savoir décrypter. La "douceur" du personnage, par exemple, que l'on qualifierait plutôt de passivité et d'indifférence à son propre destin, est l'allégorie d'un pays qui ne réagit pas quand on le maltraite, ou d'un peuple qui se laisse docilement opprimer.

Pourtant, peu à peu, les situations d'humiliation ou d'injustice se multiplient sans que l'intrigue semble avancer d'un pouce. Cette surenchère un peu vaine finit par transformer ce qui aurait pu être un brûlot terrible et épique en coquille vide complètement absconse. Et lorsque l'on pense avoir fait le tour des "institutions locales" possibles et imaginables, y compris le mafieux local et l'association de défense des droits de l'homme (l'un des passages les plus forts du film), le récit bascule de la parabole à la farce (de mauvais goût) ou en tout cas dans une séquence onirique et outrée qui assène au marteau-piqueur le message principal du film : il n'y a d'aide à attendre de personne, et la société court à sa perte. L'état et les institutions sont tour à tour impuissants et indifférents, voire carrément oppressifs, et il n'y a donc aucun espoir possible.

Passons sur le fait que le propos soit particulièrement épais, le vrai problème du film est que l'on se désintéresse totalement du sort du personnage, trop en retrait et trop "victimisé" pour que son chemin de croix soit crédible. On voit au contraire très vite l'impasse dans laquelle nous amène le film à travers ce lieu fantasmé dont il n'est tout simplement pas possible de partir, et qui cristallise à lui seul tous les maux de la Russie. Il y a alors deux possibilités : soit le film est à prendre au premier degré, et c'est une satire politique ultra lourdingue, soit il se veut plus profond, mais dans ce cas il est trop hermétique pour que arrive vraiment à comprendre où il veut en venir.

MpM



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