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Fanny Ardant

 

L'Odeur du sang (L Odeur du sang - L Odeur du sang)

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
Italie


Le miroir aux alouettes




« Si tu bandes, c’est que tu as envie. Alors ne te pose pas de questions. Baise. »

Mario Martone se trompe de film. Ou plutôt de fin. A moins que ce ne soit de début. Enfin, c’est sûr, il se trompe de quelque chose et nous trompe par la même occasion. L’Odeur du sang part sur une voie, la développe, nous fait imaginer un univers flottant dans les hautes sphères du machiavélisme et du raffinement pour brutalement aboutir à une fin grégaire et plate. Il y a un début, un milieu, une fin et certaines parties ne sont pas miscibles entre elles.
Mais reprenons. Sylvia et Carlo vivent donc ensemble depuis vingt ans. Ils sont plutôt riches, cultivés et leurs échanges intellectuels semblent satisfaisants. Ils parlent librement de leurs histoires adultères, pour elle passagères et pour lui installée. Tout semble bien se passer dans le meilleur des mondes où des gens sensés et intelligents s’aiment, se respectent mais évitent de se brimer car chacun sait que l’exclusivité est idiote. Bref, tout va bien et tout le monde est épanoui jusqu’au jour où Sylvia se met à raconter des choses. Pas n’importe quelles choses puisque cette fois-ci, cela ne ressemble pas aux histoires du passé (des rencontres sans importance). Non. La relation dont commence à parler Sylvia à demis-mots est loin d’être anodine. Son mari en est de plus en plus sûr. Il voit bien sa femme en parler comme ça, avec légèreté, lui raconter que c’est une petite frappe qui demande beaucoup de choses. Mais c’est justement cette légèreté qui lui fait craindre le pire. Peu à peu, certaines remarques de Sylvia mettent la puce à l’oreille : elle parle de sa solitude, du fait que son mari l’abandonne souvent pour partir à la campagne et que ça la fait souffrir.
Alors là, ni une ni deux, on se dit que Fanny Ardant, tout juste sortie du Nathalie d’Anne Fontaine, se spécialise en stratégie amoureuse (le fameux retour de l’être aimé). Que toute cette histoire de voyou gigolo n’est qu’un vaste bluff pour récupérer son mari volage, d’autant plus que l’amant peu recommandable est un fantôme (on ne le voit jamais à l’écran). Et cela fonctionne : ledit mari est de plus en plus obnubilé par la soi-disant aventure de son épouse (il est hanté par des visions) et l’inonde de questions.

Dans cette optique, L’Odeur du sang est plutôt bien construit et Mario Martone réussit l’évolution de son récit en l’enveloppant d’un épais mystère. Fanny Ardant passe avec beaucoup de subtilité (trop peut-être puisqu’on arrive à y voir quelque chose qui n’existe finalement pas) des allusions gênées aux confidences coquines qui ne semblent exister que pour réveiller le désir enfoui que son mari a pu avoir pour elle. Michele Placido est aussi parfait en compagnon déboussolé par les récits de sa femme. On le voit progressivement perdre pied dans ses deux couples (l’officiel et l’adultère). Tout concorde et nous fait ainsi croire à une grande supercherie, à une gigantesque manigance amoureuse menée très adroitement par une femme délaissée et supplantée par une jeunette.
Alors il est d’autant plus dommage de voir le film s’enfermer dans une direction trop concrète et qui paraissait jusque-là plutôt improbable. Car c'est finalement tout un film qui tombe par terre brusquement...

Laurence



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