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Rodin

Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 24.05.2017


LE PENSUM





« Je ne cherche pas à plaire. Moi, tout ce que je veux, c’est être vrai. »

Jacques Doillon a donc eu envie de revisiter la vie de Rodin, considéré comme l’un des plus grands sculpteurs du monde, toutes générations confondues. Pour ce faire, il propose un quasi huis clos en costumes qui penche plus vers l’explication didactique que vers le biopic traditionnel. Ainsi, on a en permanence l’impression de voir les coutures du scénario, les assistants hors champ qui règlent les déplacements des acteurs dans le décor, les répliques qui ne servent qu’à livrer des informations biographiques (Rodin était fils d’ouvrier) ou techniques (tous les passages où il verbalise sur son travail) au spectateur… Les dialogues (ainsi que la voix off, heureusement peu présente) s’avèrent ainsi terriblement didactiques et artificiels, comme s’il avait fallu pallier l’incapacité des seules images à transmettre toute l’importance de l’apport de Rodin à la sculpture, ainsi que la précision des gestes du sculpteurs.

D’ailleurs on le voit assez peu à l’oeuvre, et jamais assez longtemps pour saisir le souffle particulier qui l’anime.Tout le film en souffre, réduit à la mise en scène théâtrale, théorique, et parfois un peu tarte à la crème de « l’acte de création ». Comme si Doillon avait voulu montrer les détails de fabrication d'un film en même temps que ceux d'une sculpture, laissant apparent ce qui d’ordinaire reste dans l’ombre : les procédés de scénario, la chorégraphie précise des séquences, l’utilité de chaque scène dans le cheminement de l’intrigue (avec chapitrage et fondus au noir répétitifs)…

On saisit évidemment cette volonté de dresser un parallèle entre les deux formes de création, mais on est frappé par la maladresse de la démarche d’un point de vue purement cinématographique. D’autant que Doillon s’intéresse presque plus à l’appétit sexuel de son personnage qu’à son cheminement artistique. Il ne peut pas non plus laisser de côté la relation de l’artiste avec Camille Claudel, et malheureusement, c’est là qu’a lieu le naufrage. La pauvre Izïa Higelin n’a pas les épaules pour le rôle (surtout si l’on a en tête les compositions habitées et sensibles d’Isabelle Adjani chez Nuytten et de Juliette Binoche chez Dumont), et ne parvient pas à incarner le mélange de force, de folie et de génie qui couve chez son personnage. Il est assez symptomatique que les scènes de disputes soient fades, vaguement hystériques, mais jamais essentielles ni douloureuses. Pire, l’une des principales disputes laisse l’actrice hors champ, probablement pour limiter les dégâts quand à la qualité de son jeu.

A ses côtés, Vincent Lindon ne parvient jamais à se faire oublier derrière Rodin. Peut-être les références instaurées par les films précédents sont elles trop fortes, trop difficiles à dépasser, mais l’acteur semble être Vincent Lindon essayant d’imiter Depardieu qui incarne le sculpteur. Cela ne fonctionne guère, et en plus la moitié de ses répliques sont rendues incompréhensibles par une prononciation complètement ratée. Non, la seule à tirer son épingle du jeu, c’est la trop rare Séverine Caneele, qui campe une Rose très crédible, à l’aise dans le drame comme dans une certaine légèreté. Les passages de tendresse entre elle et Rodin figurent parmi les plus réussis du film, sans doute parce qu’ils sont les moins attendus, les moins ouvertement pensés pour édifier le spectateur sur la personnalité de Rodin. Ils éclairent pourtant le personnage d’un jour plus sensible et surtout moins convenu. C’est ce Rodin intime-là qu’il aurait peut-être été intéressant de dévoiler, plutôt que de se contenter de l’illustration approximative de sa fiche wikipedia.

MpM



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