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How to Talk to Girls at Parties

Sélection officielle - Hors compétition
USA


PUNKS & ALIENS





«- C’est quoi le punk, Boadicea?
- C’est du blues qui part en couilles.
»

Après une si longue absence, John Cameron Mitchell revient avec une comédie romantique, fantastique et bien barrée. En se délocalisant dans l'Angleterre punk des seventies, il retrouve l'ambiance underground et rock d'Hedwig, loin du mélodrame de Rabbit Hole son précédent film. On y croise des créatures aux looks improbables, une jeunesse insouciante et rebelle, des rites initiatiques étranges. JCM revendique haut et fort son goût pour les marginaux, à l'instar d'un John Waters, et son plaisir à détourner les codes d'un genre (la rom com british musicale) comme le fait un Gregg Araki.

Ici il plonge trois puceaux britanniques de la working-class dans une secte extra-terrestre élitiste aux mœurs insolites. Cette aristocratie fin de race qui, pour survivre, doit se comporter en ogres anthropophages (les parents dévorent leurs enfants), est confrontée à un bug inattendu avec ces trois gamins normaux. Cette forme d’hybridation conduit à une extravagance contenue, entre anomalie narrative et puissant effet d’ecstasy.

Ode à l'émancipation et à la rébellion, mais aussi au métissage, How to Talk to Girls at Parties n'a qu’une devise: mourir ou évoluer ! Comme si le cinéaste voulait se l'appliquer à lui-même en changeant de registre formel. L’identité doit muer, les cultures se mixer et ce big bang conduire à la régénération de l’espèce.

Le résultat est à moitié convaincant. Si on peut lui reconnaître un sens du délire et une appétence pour le décalé, on peut aussi être déçu par la sagesse des plans les plus anticonformistes ou provocateurs. La mise en scène aplatît fortement les quelques envolées du scénario, qu’il soit dans sa phase soit réaliste ou fantastique.

Le Freak c'est chic

L'objet devient ainsi plus identifié qu'il n'aurait dû l'être: une romance autour d'un amour impossible dont les deux protagonistes viennent de deux mondes différents, celui d'en bas et celui perché assez haut. C’est plus pop que punk, tièdement queer, et moins débridé ou excessif qu’auparavant. Le cinéaste semble chercher une nouvelle voie artistique entre sa culture « off » et une œuvre « mainstream ».

Le bizarroïde captive dans un premier temps mais, en freinant ses excès, le réalisateur s'empêche de dépasser ou transcender son récit. Dans ce combat entre anarchie et tyrannie, avec bondage, baiser au vomis et transe musicale, JCM ne veut pas nous embarquer dans un film trop déroutant. Il n’en demeure pas moins qu’on ressent une véritable liberté dans son processus de création. Tout semble « low cost », bricolé, reproduisant un univers « alien » fantasmé dans sa jeunesse (un côté Star Trek – Chapeau melon et bottes de cuir). Mais il ne perd jamais le fil de son histoire et ses comédiens, tous impeccables, donnent corps à cette rêverie sous acide. Il suffit de voir comment il transforme une jeune fille aussi fraîche qu’Elle Fanning en rockeuse punk germanique (tout en l’envoyant dans un cosmos très sexuel) pour se rassurer sur le talent du réalisateur à nous surprendre en une scène fulgurante.

Ni fondamentalement original, ni réellement épatant, mais bien distrayant et attachant, HTTTGAP ne quitte pas son chemin chaotique et sa destinée fataliste. Cruel et amer, tel est l'amour pour John Cameron Mitchell. Et cela ne fait pas exception ici.

vincy



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