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The Meyerowitz Stories

Sélection officielle - Compétition
USA


LA FOIRE AUX VANITÉS





«- J’ai fait des cookies et marché dans la merde ».

Toujours inscrit dans cette filiation d'un cinéma américain des années 1970 et se réclamant l'héritier légitime de Woody Allen, Noah Baumbach continue de psychanalyser les névroses de sa génération.

The Meyerowitz Stories raconte l'échec familial d'un artiste égocentrique, vaniteux, prétentieux et frustré. Après quatre mariages (dont un annulé), trois enfants, et un accident cérébral, cet homme insupportable (lointain cousin du royal Tenenbaum) ne peut que subir l'étendue des dégâts de sa vie colérique et de son narcissisme. Dustin Hoffman se régale à jouer ce vieux sculpteur et ce connard de père.

Mais comme avec le vieux Tenenbaum, ce sont les enfants qui trinquent. Un aîné loser, une sœur bousillée et leur demi-frère, l'enfant préféré (le seul qui existe aux yeux du père). Le scénario, qui enchaîne des séquences sans réelles originalités et qui raconte une histoire assez convenue, insiste surtout sur les deux frères, réservant un maigre chapitre sur la sœur dont on ne saura pas grand chose. Cette inégalité de traitement, en faveur des deux stars, Adam Sandler, qui boite, et Ben Stiller, au bord du burn-out, deux symptômes traduisant leur mal-être, s'avère gênante lorsqu’il s’agit de traiter une fratrie.

Noah Baumbach a pourtant un véritable talent pour les dialogues. Heureusement pour le cinéaste, car il semble détester la respiration, le silence ou même le temps suspendu. L’hystérie familial commence dès la première scène en voiture entre un père et sa fille : ça cause sans cesse, ça crie, ça ne s’entend pas. Les liens familiaux, lâches, serrés, noués, sont le fil conducteur de ce film où le ping-pong verbal sert d’énergie. Mais contrairement à Wes Anderson et ses Tenenbaums ou aux films de Woody Allen dont il s’inspire trop, Baumbach ne cherche pas à donner un style artistique ou un sens autre que psychologique à son récit.

Cette danse tournoyante où chacun se saoule de paroles lasse vite tant le message final est rapidement compris et les situations si souvent déjà vues. Il y a bien quelques caméos distrayants (Adam Driver, Sigourney Weaver, Candice Bergen) et Emma Thomson en belle-mère excentrique, mais secondaire. Cela ne suffit pas à faire de The Meyerowitz Stories autre chose qu’une comédie de mœurs névrotique. Seul le délire vidéo de l’aspirante cinéaste Eliza, la fille de Sandler et petite-fille de Hoffman, marche hors des clous. Son Pagina Man pornographique offre le seul moment déroutant du film. Plus généralement, dès qu’il s’amuse avec du graveleux (« 35$ le saumon. Le saumon te suce à ce prix là ? ») ou flirte avec la satire (le système de santé en prend un coup) le scénario parvient à divertir au milieu de cette cacophonie psychosomatique.

A l’inverse, les réflexions sur l’art, la reconnaissance, la filiation, la réussite sont si banales pour ne pas dire qu’il s’agit de poncifs caricaturaux, qu’on s’y intéresse peu. Ces querelles familiales où les enfants se sentent coupables et les parents assument leur part d’irresponsabilité ne font finalement que nous lasser. La joliesse de l’écriture et l’impeccable interprétation des acteurs ne suffisent pas à élever un film qui ne sait pas comment finir. Noah Baumbach voulait rappeler à travers cette chronique anecdotique que les enfants devaient pardonner les erreurs de leurs parents, aussi cruels soient-ils. On peut y être sensible malgré le simplisme de la morale. Comme on peut s'y ennuyer malgré la loufoquerie ambiante.





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