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Captain Fantastic

Certain Regard
USA / sortie le 12.10.2016


LES GRANDES ILLUSIONS





A l’écart du monde : au milieu d’une forêt et autour d’une maisonnette en bois, un père de famille s’occupe d’élever seul ses six enfants. Les journées se déroulent entre jeux de lecture et tâches à se répartir, il leur apprend notamment à chasser des animaux pour manger. D’ailleurs le passage de l’enfance vers l’âge adulte est symbolisé pour un rite avec comme cadeau un grand couteau… Rappel de sociétés dites primitives.
Leur monde est leur famille. Leur seul univers. Le père est devenu leur unique guide puisque depuis longtemps la maman est dans un hôpital ailleurs…
Un drame va obliger ce père à retourner vers la grande ville que ses enfants ne connaissent quasiment pas. C’est l’occasion de faire mieux connaissance avec des grands-parents et des cousins et tout un univers dont ils avaient appris par leur père à rejeter le fonctionnement… La confrontation au réel devient alors initiatique mais surtout critique. Il faudra peut-être désapprendre, renoncer, se remettre en question.

«- Comment tu as tué ces poulets, avec une hache ou un couteau ? - Je les ai achetés à la rôtisserie. »

Le film Captain Fantastic nous raconte une jolie fable sur la façon de penser le monde : observer comment il fonctionne et essayer de fonctionner autrement. En refusant les excès du consumérisme qui tend à rabaisser l’Homme (sujet déjà abordé avec La prochaine fois je viserai le cœur et La belle vie), Viggo Mortensen en père de famille et chef de meute à choisi de se concentrer sur l’Humain.
Le spectateur est dès le début confronter à l’organisation de cette vie dans les bois, en autarcie. Il faut chasser pour manger mais c’est un jeu, pas de télévision ni d’appareil connectés à internet, mais des quantités de livres des sciences à la littérature… Peu à peu on s’attache à ce mode de vie qui nous est inhabituel, surtout avec le naturel des six enfants. On est même séduit par cet idéal de retour à la nature au coin du feu (phénomène Into the Wild). Ce qui manque le plus est exprimé en creux comme la trop longue absence de la mère. Dès lors qu'il faut retourner à la "civilisation", le film prend le chemin d’une drôle d’expédition où ceux qui ressemblaient au début à des sauvageons des bois sont devenus par la magie du récit des gentils innocents qui vont donc devoir se risquer en territoire ennemi et urbain : les rapports d’argent, les facilités du monde moderne.

L’histoire va alors mettre en balance l’éducation particulière prônée par le père pour les guider vers une utopie de vie, et la réalité de cette vie qui fait de ses enfants des marginaux. Ce sont des enfants savants à propos de plein de choses mais peut-être inadaptés à la société telle que la majorité y vit. Les enfants vont alors être au centre d’un enjeu qui les dépasse : leurs grands-parents réclament un droit de garde…

Un conte fantaisiste

L’acteur devenu réalisateur Matt Ross est avant tout un fabuleux conteur. Captain Fantastic amuse tout en faisant réfléchir sur notre société actuelle. Son film est avant tout une histoire émouvante à propos d’une famille pas comme les autres. Matt Ross glisse à plusieurs endroits de son film des critiques en direction du consumérisme, du capitalisme et autres notions en ‘isme’ qui ne riment pas avec la notion de ‘bonheur’, tout en suggérant que ça pourrait être possible d’y réfléchir plutôt que de le subir.
Matt Ross n’hésite pas à citer plusieurs fois le philosophe Noam Chomsky en le célébrant presque comme un dieu païen tout en contestant l’utilisation de la Bible par une religion organisée… Au-delà du slogan “le pouvoir au peuple” qui est répété plusieurs fois, Captain Fantastic est porté par un souffle de refus. C'est un plaidoyer à l'insoumission. Tout cela est raconté et mis en scène avec une certaine légèreté, de l'humour et même une véritable subtilité : il n’y a pas d’un côté ceux qui ont raison et ceux qui ont tort, c’est évidement bien plus complexe.
Au fur et à mesure du scénario le père doute (fantastique Viggo) tout comme les autres personnages. « Mis a part tout ce que j’ai appris dans des livres, je ne sais rien du tout » : une séquence de drague à la fois naïve et improbable avec l’aîné de la fratrie sera d’ailleurs un déclic.
Entre se mettre en retrait du monde qui va mal et s’ouvrir au monde pour ce qu’il peut apporter de bien, il y a tout un cheminement qui fait de Captain Fantastic un ‘feel-good movie’ aussi percutant que réjouissant.

Kristofy



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