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Zivot je Cudo (la vie est un miracle) (Zivot je Cudo (la vie est un miracle))

Sélection officielle - Compétition
/ sortie le 14.05.04


BEAUX DEGATS





«- Elle est amoureuse. Elle attend qu’un train lui passe dessus.»

L’équation est difficile à résoudre. Nous attendons (exigeons ?) toujours plus d’un grand cinéaste que des autres. Kusturica hérite ainsi de cet héritage notoire, soit 20 ans de cinéma. Novices, vous découvrirez un univers singulier, porté à son paroxysme, un style magnifique, mis en scène admirablement. Cinéphiles et fans, vous ne serez pas déçus. Tout ce qui fait le charme d’un film d’Emir Kusturica se trouve dans ce nouvel opus, du foisonnement humain au lyrisme visuel, de ce joyeux bordel permanent à cette tragédie humaine pessimiste (mais romantique). Shakespeare est appelé en renforts. Aux côtés des Marx Brothers.
Kusturica est assurément, aujourd’hui, l’un des rares auteurs à nous plonger dans un environnement qui lui est propre, une folie toute personnelle qui pourrait d’ailleurs nous inquiéter tant elle est rare, mais aussi parce qu’elle se répète. Nul renouvellement depuis Chat noir Chat blanc (si ce n’est que le chat est noir et blanc). L’image est belle et soignée. Les comédiens sont parfaits, avec l’acteur principal qui nous trouble par sa ressemblance avec Philippe Torreton.
Et les animaux sont là : poules, chiens, moutons, vaches, chevaux, pingouin (pour zoophile), ânesse, ... et quelques Ours (croates). Ici la réalité n’existe pas. Le monde est une métaphore. Même un match de foot finit en opéra carnage. Rien ne se déroule dans le cadre de la normalité. Cependant, cette extravagance perpétuelle trouve ses limites lorsqu’il s’agit de la guerre. Difficile dans ce cas précis de mélanger les allégories et les horreurs.
Surtout que le sujet est, lui aussi, confronté à ses principes. Une histoire d’amour impossible qui ne se préserve et se ressource qu’en s’isolant. Là naît un peu de notre gêne. Kusturica revendique clairement une forme d’autarcie (fermons les frontières, la drogue, la corruption et la guerre ne pourront plus entrer) et une logique de clan (pour ne pas dire communautarisme). Sans oublier le caractère fortement misogyne du film.
Mais ne soyons pas pinailleurs. Cette vie qui ne roule pas sur des rails (à moins d’en faire un rail de coke) ne donne pas de miracles mais fournit une profusion de bonheurs. Alcoolos et tarés, aliénés et machines, tout dégénère à force de maladresses (redondantes et rafraîchissantes). De furies en poésie, le cinéaste nous promène dans une Bosnie ludique et enfantine. Ce vaudeville dramatique fait voler les lits et fusionne une masturbation en explosion au lance-roquette. Nous jubilons devant cette farce où ces misérables êtres humains ne sont jamais des héros.
Mais ce huis clos à ciel ouvert est long. Trop peut être car il n’aboutit nulle part. Le final est même bancal (pas un instant nous croyons au geste de Luka). A trop éclater son récit, Kusturica a oublié de le densifier et de l’intensifier. Cette errance explose fugacement en feux d’artifice. De quoi nous réjouir. Mais en profondeur, quelques détails nous empêchent d’embrasser généreusement cette nouvelle intention du double palmé. Dans la lignée d’Underground, La vie est un miracle prouve la maîtrise artistique et technique de son auteur. Ce n’est déjà pas si mal.

vincy



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