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Clash (Eshtebak)

Certain Regard
Egypte


LE CONVOI DE LA PEUR





«- Comment tu t’es retrouvé dans ce bazar ? »

Claustrophobes s’abstenir ! Clash (Eshtebak) est un huis-clos étouffant, tendu, presque stressant, de la première à la dernière image. Le film l’emporte sur la forme, plus que sur le fond. C’est la gageure d’un tel exercice de style. La caméra reste à l’intérieur d’un fourgon de police, où vont s’entasser progressivement des personnes qui, politiquement, s’opposent, avec le verbe ou avec violence. Cela rappelle le films israélien de Joseph Cedar, Beaufort, où le spectateur était enfermé dans un bunker.

Ici, nous sommes au Caire, il y a trois ans, quand militaires et frères musulmans se disputaient le pouvoir, après le printemps arabe. Mohamed Diab (Les femmes du bus 678, déjà un portrait critique du machisme égyptien et de l’hypocrisie de la religion) montre l’implosion de la société égyptienne vue à l’intérieur et de l’intérieur de ce camion. Des hommes (et des femmes) en colère, une guérilla urbaine, des révoltes et conflits provoquent des drames, des tragédies, mais aussi quelques moments d’apaisement. Le film est nerveux, comme ses protagonistes. Le dialogue semble impossible entre partisans et opposants. Mais c’est avant tout oppressant.

Clash c’est un microcosme de la société embarqué, avec le spectateur, dans une spirale infernale qui ne peut que s’achever dans la tragédie la plus aléatoire. Il n’y aura pas de vainqueur, mais que des vaincus. La limite de ce procédé formel réside dans le scénario. Il faut inventer des actions (un sniper, une manifestation, une attaque, des personnages qui changent d’avis), des situations (la soif, l’envie d’uriner, la fatigue) et imaginer des relations interpersonnelles qui amènent des nuances aux premiers jugements ou à des personnages forcément un peu stéréotypés. Le réalisateur ne s’en sort pas si mal sur ces points, mais cela manque d’originalité. Si le film nous happe par l’incertitude de leur sort, il nous laisse assez indifférent au sort de chacun.

Nous sommes bien plus épatés par la prouesse de l’immersion, par cette expérience où l’on partage la peur de ces hommes et femmes arrêtés arbitrairement et aveuglés idéologiquement. Le regard que porte le cinéaste sur ces faits est tout aussi troublant, comme s’il était effaré par la désagrégation de son pays, causée par le peuple lui-même. Dans cet enfermement, au climat passionnel, brutal, presque sauvage (comme des animaux en cage), le spectateur assiste à une dévastation de l’humain, incapable de penser, de survivre tellement il est à cran.
Tout le monde est sur les nerfs, et il y a de quoi vu les horreurs « vécues ». Entre excités, fanatiques, et quelques consciences un peu plus œcuméniques, le cinéaste filme l’intérieur de ce convoi de la peur (de la mort ?) comme l’extérieur de manière à nous mettre en état de guerre, ou de siège, selon la position. « L’enfer sur terre » au Caire, entre mâles dominants (mais pas grandis par le film) et injustice flagrante, se déroule ainsi sous nos yeux. Incapables de prendre partie devant ces gens, qui sont toujours le traître de l’autre et qui courent vers un suicide collectif.

La fin, dans la confusion la plus totale, dénonce la folie des hommes, au milieu de rayons verts, dans l’obscurité la plus totale. Clash ne laisse aucune issue. Il se veut brut et met tout le monde dans le même panier.

vincy



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