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Sieranevada

Sélection officielle - Compétition



LE REPAS DU TRÉPAS





«- Le fait qu’on descende du singe, j’y crois de plus en plus. »

Ne vous laissez pas effrayer par la durée – 2h53 – de cette chronique familiale. Ce n’est pas le souci principal du film de Cristian Puiu, même si ce temps long paraît injustifié tant en deux heures tout est dit, tout est compris. D’autant plus que le cinéaste roumain ne réussit pas à maintenir son tempo tout au long, conscient qu’il faut un peu accélérer les choses sur la dernière heure. Car, le formalisme de Sieranevada est sans aucun doute ce qu’il y a de plus fascinant dans cette œuvre très bien mise en scène, où les acteurs sont tous parfaitement dirigés. En découpant son film, durant les deux premiers tiers en tout cas, de longues scènes en plan séquence où la caméra est fixée, suivant les protagonistes du regard, comme si elle était un personnage ou un témoin de ce vaudeville (les portes claquent, les cris fusent, les envolées mélodramatiques servent de rebondissements voire de remplissage), il nous met dans la position d’un voyeur d’une comédie humaine à la fois drôle et exaspérante.

Car toute cette épate de style qui nous plonge en invité immergé dans des querelles sans queue ni tête d’une famille roumaine, finalement, n’aboutit à rien. L’exercice apparaît vain. Les discussions paraissent sans fins. A l’occasion du décès du patriarche, toute une famille se rassemble et de quiproquos en malentendus, de révélations en surprises, de susceptibilités en oppositions, le déjeuner est reporté sine die. Tout le suspens tient dans ce repas qui n’aura peut-être jamais lieu. La faim, les remords, les critiques, les tensions et les maladresses font le reste pour nous entraîner dans un tourbillon de vie incessant, monotone et parfois enivrant.

Nostalgiques du communisme et croyants, nouveaux bourgeois et esprits naïfs, frères et sœurs s’entendent pour ne pas s’entendre. Le vivre ensemble est mission impossible. Certains en dramatisent l’importance quand d’autres préfèrent en sourire.
Ce ne sont jamais plus que des conversations habituelles autour d’un rituel (Noël, anniversaire, deuil, peu importe) qui émaillent dans chaque famille. On y parle de tout et de rien, de la tromperie du mari de l’un comme des vacances en Thaïlande, d’un complot mondial pour nous faire croire à des mensonges (sur Charlie Hebdo ou le 11 septembre) comme du quotidien de chacun. Cristian Puiu ne cherche pas à savoir qui a tort, qui a raison, ni un quelconque message à délivrer, hormis que la vérité est ailleurs, que chacun a sa vision des choses. Il ne prend pas partie. L’important est de douter. La dialectique met ainsi à égalité les charlatans et les savants, les hypothèses farfelues et les faits avérés.

Famille au bord de la crise de nerfs

C’est réaliste, mais frustrant. Car, quelque part, il cautionne tout et son contraire. Aussi, le spectateur s’accroche à l’atmosphère, aux comédiens, à cette galerie de portraits d’occidentaux moyens. La démence qui se dégage de cette alchimie entre eux, dans un cadre aussi étouffant qu’un appartement exigüe, produit des dialogues savoureux, des situations parfois cocasses ou, a contrario, sensibles. Dans cette nasse très crédible, il manque cependant l’esprit de transe qu’un Kechiche aurait sublimé, ou un regard ironique et critique. On ne voit pas très bien ce que Puiu veut dire, mais on comprend bien qu’il cherche à nous faire partager l’après midi délirante d’une communauté au bord de la crise de nerfs (il empreinte beaucoup à ce film d’Almodovar dans son récit). Aussi, entre deux humeurs et crises superficielles, où chacun surjoue son rôle pour exister au milieu de ce chaos, nous sommes soit emporté par cette maîtrise cinématographique qui nous inclue complètement dans l’histoire, soit exaspéré par ces gens qui nous indiffère avec leurs différents.

A cela s’ajoute une écriture qui rend les femmes souvent antipathiques et les hommes plutôt cons et machistes. Cet aspect binaire et caricatural des rapports entre les deux sexes n’améliore pas notre envie de les apprécier. On comprend que le personnage principal soit si las. Et décide finalement de se mettre à l’écart de cette hystérie collective.

vincy



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