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Loving

Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 15.02.2017


LOVE STORY





"Va te chercher des droits civiques !"

C’est une belle histoire que nous raconte Jeff Nichols avec Loving, le vrai combat d’un couple mixte, pendant les années 60 aux Etats-Unis, pour obtenir la reconnaissance de leurs droits civiques, et en l’occurrence celui de se marier, vivre sous le même toit et élever paisiblement leurs enfants. Il traite d’ailleurs son sujet avec une simplicité d’écriture et de mise en scène qui confine souvent au classicisme le plus sage. Les scènes sont courtes, efficaces, jamais mélo, toujours joliment cadrées et éclairées, accompagnées d’une musique en parfaite harmonie avec la tonalité propre à chacune.

Les acteurs sont parfaits eux-aussi, à commencer par la merveilleuse Ruth Negga qui arrive à faire passer la force de caractère de son personnage à travers de toutes petites choses. Joel Edgerton est lui-aussi tout en retenue, comme si le cinéaste n’avait pas voulu trahir le couple discret et modeste dont il raconte la vie. Il s’attache d’ailleurs plus à recréer une ambiance et parler d’une époque qu’à faire le portrait détaillé de ses personnages dont on saura finalement peu de choses personnelles ou intimes : comment se sont-ils rencontrés, qu’est-ce qui les réunit, que partagent-ils ? Tout cela reste dans l’ombre au profit de leur lutte pour pouvoir s’aimer librement dans l’endroit de leur choix, et c’est plutôt à porter au crédit de Jeff Nichols que de ne pas s’être cru obligé d’en faire des tonnes sur leur passé et leur histoire d’amour contrariée.

De la même manière, leurs "opposants" (le policier, le juge) sont clairement des figures archétypales qui incarnent les idées de l’époque, et ne font pas des époux Loving une affaire personnelle. Hormis quelques regards insistants et un incident isolé, la méfiance, le rejet ou la condamnation dont ils font l’objet sont même à peine évoqués. Jeff Nichols nous évite ainsi les scènes classiques d’insultes, de menaces ou d’agression, et place au contraire les rares propos négatifs dans la bouche de leurs proches, comme pour bien saisir toute l’ambiguïté de la situation, et la formidable révolution que leur procès opéra dans le pays.

Il n’y a au fond pas grand-chose à redire sur ce film intime, efficace et touchant, si ce n’est peut-être qu’il ne nous transporte jamais et nous indigne poliment sans nous prendre aux tripes. La très jolie relation entre Richard et Mildred aurait gagné à être plus fouillée, et la temporalité un peu resserrée pour gagner en rythme et en puissance. Dans la (longue) histoire de la ségrégation au cinéma, on a déjà vu à la fois plus poignant et plus inventif, ce qui fait de Loving une œuvre certes utile (il est toujours bon de rappeler d’où l’on vient) mais pas majeure. Exactement comme dans la filmographie de Jeff Nichols, où elle ne restera sûrement pas comme la plus audacieuse et brillante. En revanche, pour la course aux récompenses, prix d’interprétation et autres Oscar (peut-être plus so white l’an prochain), c’est gagné !

MpM



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