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Café Society

Sélection officielle - Ouverture
USA / projeté le 11.05.2016 / sortie le 11.05.2016


TO NEW YORK WITH LOVE





"Vis chaque jour comme si c’était le dernier, un jour ça le sera."

En préambule de toute critique des films de Woody Allen, l'envie est irrésistible de préciser tout d'abord que, quoi qu'il fasse et tant qu'il fera des films, on continuera d'aller les voir, parce que retrouver son inimitable cinéma est toujours un plaisir. Un plaisir plus ou moins puissant, modulé par la forme du cinéaste et son inspiration, mais plaisir tout de même, comme lors de ces réunions de famille où l'on est momentanément heureux de prendre des nouvelles du vieil oncle (même s'il est gâteux) et de la cousine germaine (même si c'est une teigne). Tout simplement parce qu'au fil des années, Woody Allen est devenu un membre de notre famille étendue, et qu'il y a toujours une certaine tendresse à découvrir ce qu'il peut bien avoir de nouveau à nous dire.

Et cette année, ô surprise, on le sent tout chose, à la fois mélancolique et plein de mordant, nostalgique et un peu désabusé, pour nous raconter l'âge d'or d'Hollywood couplé à une histoire d'amour malheureuse et un portrait de famille au vitriol. Construit en deux parties géographiquement distinctes (la première se déroule à Los Angeles, la seconde à New York), Café society propose une plongée au cœur de trois milieux distincts des années 30 : Hollywood et sa superficialité glamour d'un côté, l'intelligentsia et la pègre new-yorkaises de l'autre. L'utilisation de la voix-off et des lents travellings avant témoignent de sa volonté de nous immerger dans ces lieux foisonnants et bruissants où se croisent les individus les plus divers. Le réalisateur s'essaye même à quelques facéties de (dé)construction en s'autorisant digressions et flashbacks pour raconter la rencontre de deux personnages, ou présenter les différents membres d'une famille. Malheureusement, on ne peut pas dire que ses tentatives soient vraiment couronnées de succès, tant certains passages semblent arriver de manière artificielle, et parfois casser un rythme déjà plutôt mou. Cette multiplicité de sous-intrigues et de personnages ne parvient pas non plus a dissimuler les creux d'un scénario assez poussif.

Bien sûr, comme presque toujours chez Woody Allen, les répliques font mouche, et certaines font l'effet d'aphorismes à méditer, si ce n'est à adopter. Il est particulièrement en forme pour se moquer des religions et de la vision qu'ont certaines personnes du judaïsme. Ce qui est bien, c'est que ça marche avec toutes les religions, et qu'on peut aisément transposer ce mélange de clichés et d'ignorance à notre époque. Sur le propos amoureux, Woody semble finalement moins en forme, et les quiproquos de la première partie ne vont pas très loin dans le Marivaudage. Le cinéaste est probablement plus à l'aise avec le dépit et les regrets de la seconde partie, qui teintent joliment le film d'une mélancolie tendre. Dans ce registre, Jesse Eisenberg et Kristen Stewart jouent leur partition à la perfection, dans une retenue qui sent plus la résignation sage que les grands sentiments.

On pourrait d'ailleurs résumer le film à cette sagesse douce, un peu décevante de la part de Woody Allen. Son portrait du grand Hollywood ressemble à du rêve en trompe l’œil, les travers familiaux des proches de Bobby se cantonnent aux archétypes du genre, même les savoureuses méthodes expéditives du frère gangster finissent par être répétitives. Voila sans doute là où le bat blesse : on sourit aux bons mots, on apprécie l'observation toujours acérée que fait Woody Allen de ses semblables, on passe un moment agréable, mais on n'est ni surpris ni transporté. Tout au plus s'amuse-t-on de la constance avec laquelle le réalisateur cherche à démontrer la supériorité de son New York natal sur le reste du monde, et Los Angeles en particulier. Mais au fond, cette cuvée 2016, qui a certes plus de relief que la 2015, est surtout une manière légère d'attendre la prochaine. Merci Woody, et rendez-vous en 2017.

MpM



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