39-98 | 99 | 00 | 01 | 02 | 03 | 04 | 05 | 06 | 07 | 08 | 09 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19


 
 
Choix du public :  
 
Nombre de votes : 37
 












 
Partager    twitter



festival-cannes.com

 

Close encounters with Vilmos Zsigmond

Cannes Classics
France


LE MAITRE DE L’OMBRE ET DE LA LUMIERE





"Apprendre à regarder, c'est apprendre à réfléchir. "

On ne dira jamais assez à quel point le directeur de la photographie peut être l'homme-clef d'un film, l'écrivant à sa manière, c'est-à-dire "avec de la lumière en mouvement", au même titre que le scénariste ou le réalisateur. Trop souvent dans l'ombre, ces magiciens du cadre et de la composition sont pourtant ceux à qui l'on doit souvent sans en avoir conscience les impressions visuelles les plus fortes produites par un film.

C'est pourquoi on est tout simplement captivé par cette véritable plongée dans le travail du grand Vilmos Zsigmond opérée par Pierre Fimon à l'occasion de ce documentaire éminemment précieux. À travers les témoignages très concrets de différents directeurs de la photographie (Bruno Delbonnel, Vittorio Storaro, Haskell Wexter...) et les souvenirs de plusieurs metteurs en scène comme John Boorman ou Ivan Passer, on découvre ce qui a fait la réputation et la "patte" si spécifique de Zsigmond au fil du temps, comme la lumière ultra-naturelle de John MacCabe de Robert Altman ou l'ombre démesurée de Staline en hommage à Eisenstein dans le téléfilm éponyme de Ivan Passer.

Il faut voir Vilmos Zsigmond lui-même détailler le choix d'une séquence finale volontairement surexposée dans Rencontre du 3e type, ou Peter Fonda commenter le dernier magnifique plan crépusculaire de L'homme sans frontière. Ce passage, peut-être le plus intense du film, est à la fois d'une telle générosité dans les détails et d'une si grande précision technique qu'il donne au spectateur l'illusion d'appréhender soudain avec énormément de clarté ce qu'est la complexité du travail de directeur de la photographie, et son indispensable complicité avec le réalisateur pour obtenir le résultat le plus cohérent possible avec le sujet du film.

Mais au-delà de cette compréhension de la différence essentielle apportée par chaque choix de lumière ou de composition, Close encounters with Vilmos Zsigmond offre un panorama captivant de tout un pan du cinéma hollywoodien. Sans lui, nous dit-on au départ, les films des années 70 ne seraient pas ce que l'on connaît. Mais en réalité, c'est toute l'histoire du cinéma contemporain qui a été bouleversée par l'approche si personnelle de ce génie de l’image.

C'est évidemment émouvant, fascinant, en un mot extraordinaire que d’être admis, même par écran interposé, dans l’intimité d’un tel artiste. Ses souvenirs et anecdotes, racontés avec l’œil brillant et un petit sourire aux lèvres, offrent un contrepoint souvent léger et décontracté aux témoignages de ses pairs. Parmi les nombreux passages attachants, on adore la séquence d’ouverture qui le montre en train de contrôler avec bienveillance la lumière et la position de la caméra qui s’apprête à le filmer, lui, en pleine interview, ou encore l’interview de sa femme qui rappelle que durant toute leur vie commune, les films sont toujours passés en premier.

En plus d’avoir tissé avec son interlocuteur une relation de confiance et de respect perceptible à l’écran, Pierre Fimon est parvenu à capter la philosophie et l’état d’esprit de ce véritable orfèvre de la lumière et du cadre. Sans être un hommage figé en forme de panégyrique de circonstances, Close encounters with Vilmos Zsigmond constitue désormais le témoignage le plus important sur le travail unique du chef opérateur qui est décédé le 1er janvier 2016.

MpM



(c) ECRAN NOIR 1996-2024