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The Lobster

Sélection officielle - Compétition
/ sortie le 28.10.2015


LOGIQUE ABSURDE





"Vous serez transformé en animal si vous ne trouvez pas de partenaire."

Ah, les mystères de l'alchimie amoureuse ! Les raisons secrètes qui poussent deux personnes l'une vers l'autre ! Après s'être intéressé à sa façon à la cellule familiale et au travail de deuil, Yorgos Lanthimos met son cinéma singulier et dérangeant au service du couple et de ses mécanismes ténus, qu'il décortique avec la cruauté irrésistible qu'on lui connaît.

L'idée de départ de The Lobster est à elle seule magnifique. Dans une société indéterminée, le couple est devenu au sens propre une affaire d'état. Un peu comme si on nationalisait Meetic avec à la clef, pour les inscrits (contraints et forcés), une obligation de résultat à court terme. Lanthimos invente ainsi tout un tas de règles sadiques (la masturbation est interdite) et de propagande qui sont censées "aider" les malheureux célibataires à trouver l'âme sœur. C'est drôle, absurde, méchant même. Une attaque en règle des diktats sociaux qui exigent que chacun soit en couple (assorti) et surtout rentre dans une case bien précise (célibataire ou en couple, hétérosexuel ou homosexuel... pour les bisexuels, l'option n'est plus disponible).

Mais bien sûr (on n'est pas dans un conte de fées), ce n'est pas mieux dans l'autre camp, celui des rebelles "solitaires" qui refusent en bloc tout ce qui a trait au couple et où les règles sont tout aussi arbitraires et risibles. Le film renvoie ainsi dos à dos toute forme de dictature et de formatage des personnalités. Il semblerait en effet que Yorgos Lanthimos ne fasse guère confiance aux institutions, quelles qu'elles soient, pour faire le bonheur des individus, surtout lorsque c'est malgré eux.

Lui, par contre, a le chic pour réaliser des films étranges et esthétiques qui mêlent divertissement et réflexion sociale. Comme un concentré de ce que l'on attend du cinéma en général : un ton novateur, une recherche formelle, une intrigue enthousiasmante. Probablement plus accessible que ses films précédents, The Lobster ne se préoccupe pas d'être aimable ou confortable. Les idées qu'il véhicule sont même parfois provocatrices ou glaçantes, comme un reflet outré de nos petits travers quotidiens. Son humour est souvent noir. Devant sa caméra, les choses les plus banales deviennent étranges. Les situations les plus familières prennent un tout autre sens. Juxtaposées les unes derrière les autres, elles créent un climat ambivalent, glacé, presque inquiétant. Une fois encore, le réalisateur dénonce toute forme d'autoritarisme et nous incite à en reconnaître les manifestations les plus anodines.

Malgré tout, il y a un espoir (fragile et malaisé) et il est curieusement assez fleur bleue, puisque c'est l'amour. Mais attention, un amour à la sauce Lanthimos, qui nécessite un certain nombre de sacrifices, et doit obéir aux règles en vigueur. C'est paradoxalement la partie la moins réussie du film, avec des longueurs et des temps morts qui font se relâcher la tension. L'intrigue s'enlise avant de repartir pour un finale plus ironique qu'horrifique. Ne pouvant s'empêcher de jouer une dernière fois avec nos nerfs, le cinéaste redonne tout son sens au dicton familier : "l'amour rend aveugle". Tout le contraire de The lobster qui, lui, nous ouvre les yeux.

MpM



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