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La Tête haute

Sélection officielle - Ouverture
France / sortie le 13.05.2015


PROFILS BAS ET POINGS FERMÉS





«- Les gosses, c’est pas des jouets.»

Avec La tête haute, Emmanuelle Bercot nous plonge en immersion dans le destin mouvementé d’un adolescent à côté de ses pompes, naviguant entre petite délinquance et mal-être persistant. On le suit ainsi de ses 7 ans à ses 17 ans révolus, avec, pour chaque étape, le bureau d’une juge empathique et diverses sanctions : foyer, centres d’éducation fermés ou ouverts, prison…

Le film touche d’emblée. En installant très rapidement des personnages à forte personnalité, Bercot nous amène de force, et avec intensité, à suivre le parcours du jeune Malony, souffrant de ne pas être aimé comme il faut, et sujet à des pulsions violentes, quitte à le conduire « malgré lui » à faire des bêtises répréhensibles. Les liens affectifs sont continuellement rompus, par sa faute ou celle des autres, le renvoyant à chaque fois dans cette spirale infernale qui ne risque jamais d’en finir… Il veut être aimé, aimer mais il refuse d’être aider.

Malin mais indomptable, insolent mais attachant, il doit faire face à une mère immature et irresponsable, prête à abandonner ses enfants pour son propre « bien » plutôt que de se soucier du leur. Sara Forestier hérite d’un rôle ingrat physiquement mais bouleversant, toujours sur le fil entre son amour pour ses fils et son état d’épuisement de femme larguée par la vie.

La réalisatrice offre donc au jeune homme (Rod Paradot, formidablement bien dirigé, physique et gueule idoine pour le personnage) deux parents de substitution : une juge compréhensive qui a la foi (et la patience) nécessaire – Catherine Deneuve, évidemment impeccable – et un éducateur spécialisé déterminé qui a le feu (et l’envie) pour refuser le fatalisme social et psychologique – Benoît Magimel, sans fausses notes.

Chaotique

Au milieu de cette atmosphère violente, agressive, désespérante aussi,, où les insultes colorent les dialogues tantôt froids comme une décision de justice tantôt chauds comme des déclarations d’amour et où les coups fusent en guise d’arguments, l’histoire est moins celle d’une rédemption que d’un sauvetage en haute mer. La reconstruction / réparation d’une âme brisée, d’un gosse cassé prend du temps. A pratiquer les montagnes russes avec son personnage, Emmanuelle Bercot prend le risque d’étirer son film avec quelques longueurs et une multiplicité de péripéties par fois trop artificielles : le film devient ainsi plus mécanique que naturaliste et nous sort de notre délicieuse apnée. C’était un peu le même reproche que l’on faisait sur Polisse, avec l’insertion d’une histoire d’amour inutile. Le cas est ici similaire : une série de portraits de médiateurs pleine de compassion face à un mineur (comme Maïwenn filmait la police des mineurs), surchargé de rebondissements parfois trop scénarisés dans la deuxième partie. A chaque fois que l’on croit à la fin du calvaire de Malony, elle nous étouffe tout espoir avec un dérapage, un acte, une situation mélodramatique.
Ce qui permet au film de garder « la tête haute » c’est davantage son envie de se frotter à un cinéma à la Dardenne, tout en assumant un désir d’être plus romanesque, avec une musique lyrique, des pointes d’humour, et un regard plus proche de la compassion que du jugement moraliste.

Elle filme les visages de près, ne cherche pas d’effets particuliers : la mise en scène est sobre, et révèle les zones de fragilité autant que les masques et les postures des uns et des autres. Emmanuelle Bercot a aussi cette qualité de savoir placer l’émotion au moment où elle est utile, sans subterfuge. Il suffit de deux mains qui se rencontrent, d’yeux qui s’embuent, d’un discret « j’taime ». Dans cette tragédie personnelle qui opposent ceux qui fuient leurs responsabilités, lançant leur locomotive dans le mur, et ceux qui cherchent à les remettre sur les bons rails, elle manie le glaive (de la justice), les coups de poings et les caresses avec une jolie dextérité, même si on regrette quelques dérapages trop forcés. Malony, qui nous aura bien éprouvés, va relâcher la tension, progressivement, pour enfin desserrer ses poings et mettre un point final à un passé qui, espérons-le, mènera à un avenir plus radieux.

vincy



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