39-98 | 99 | 00 | 01 | 02 | 03 | 04 | 05 | 06 | 07 | 08 | 09 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19


 
 
Choix du public :  
 
Nombre de votes : 23
 












 
Partager    twitter



festival-cannes.com
site internet du film

 

Chronic

Sélection officielle - Compétition



FIN DE VIE





"- Je vais mourir.
- Alors il ne vous faut pas une pute. Il vous faut un prêtre.
"

Magnifique portrait d'une profession mal aimée, Chronic raconte en plans fixes le quotidien de David, infirmier à domicile dévoué et solitaire. La succession de scènes banales et familières (toilette d'une malade, repas, entraînement sportif) dévoile peu à peu le profond attachement du personnage à ses patients. Plus il s'implique, plus on a le sentiment qu'entre l'infirmier et ses patients, le rapport de dépendance est à double sens.

Pourtant, si Michel Franco joue sur l'ambiguïté de la situation, ce n'est jamais à charge contre son personnage, mais plutôt comme une réflexion générale sur la distance à maintenir, ou non, entre un parfait étranger et les malades dont il s'occupe, et qui provoque parfois l'incompréhension des proches. Le spectateur s'attend ainsi toujours à ce qu'un événement grave, peut-être violent, survienne soudainement. Mais les différents rebondissements de l'intrigue ne mènent jamais là où on aurait pu le craindre, le cinéaste parvenant toujours à garder le cap de son récit.

C'est donc sur David, et sur lui seul, que se concentre le film. Souvent enfermé dans un cadre à l'intérieur du cadre, il semble prisonnier dans sa propre existence et, on le devine peu à peu, d'un passé dont il ne peut se défaire. Avec une grande sobriété formelle, Michel Franco construit un récit fait d'ellipses, de bribes de conversation et de temps morts qui finissent par dresser du personnage un portrait sensible. Face à la maladie, la déchéance et la mort, il est la présence discrète et indispensable qui aide à calmer, à rassurer et à apaiser. Tim Roth excelle dans ce rôle tout en retenue, auquel il donne une fragilité inattendue. Ses gestes sont précis, mesurés, jamais gratuits. Il s’efface, s’oublie même dans les actes médicaux comme pour ne plus faire qu’un avec son patient.

Sur le fil, cette empathie généreuse de l’infirmier pour le malade finit par conduire le film sur le terrain plus polémique du recours à l’euthanasie. Mais une fois encore, Michel Franco nous surprend par l’économie d’effets avec laquelle il traite la question. Sans pathos ni voyeurisme, il en fait un acte naturel, presque un prolongement du soin médical, et surtout la dernière chose concrète que le soignant puisse faire pour son patient, quitte à se retrouver ensuite seul avec ses doutes et sa douleur. On ne peut qu’admirer la justesse et l’absence de didactisme avec laquelle le réalisateur aborde un sujet aussi délicat.

C’est sûrement pourquoi on est à ce point cueilli par la dernière séquence du film, qui tranche tout à coup avec la douceur du reste. Cette fin brutale, que l’on ne révélera pas, ne semble au premier abord rien apporter au film, le desservant plutôt par une impression de rebondissement gratuit et un peu vain. Il a même l’air de suggérer un dénouement moral auquel on ne peut absolument pas croire. Dommage, car jusque-là, Michel Franco penchait plus du côté de la chronique sensible que du fait divers

MpM



(c) ECRAN NOIR 1996-2024