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White God (Feher Isten)

Certain Regard
Hongrie / sortie le 03.12.2014


C’EST EUX LES CHIENS





"Vous êtes là pour nous apprendre à mentir ou à jouer de la trompette ?"

S'il est effectivement question de chiens dans le nouveau film de Kornel Mundruczó, son titre White God ne joue pas seulement sur la métonymie du mot anglais (dog) avec Dieu (God), mais semble avertir d’emblée le spectateur que dans la parabole terrible qu'il s'apprête à raconter, c'est le maître, et non le chien, qui est la clef.

C'est en effet à une parabole épique et magistrale que se livre le cinéaste. Dans un pays triste et morne obsédé par la "race pure" de ses canidés, et par l’extermination de tout ce qui la menace, la violence et la cruauté ne peuvent que se retourner contre ceux qui l'exercent. Une saisissante métaphore de l'Humanité qui, face à trop d'injustice et de coercition, finit toujours par se rebeller, mais aussi une étude sans fard d’une société déshumanisée et réactionnaire qui rappelle la glaçante nouvelle Matin brun de Franck Pavlof.

Partant d'une situation quotidienne et réaliste, le réalisateur hongrois ausculte en effet sans aménité et sous le biais du film de genre, la propension de l’être humain à accepter la persécution et l’injustice tant qu’elle ne touche que "les autres", au risque que le mal s’étende insidieusement à tous les plans de la société. Le cinéaste joue ainsi avec différents registres cinématographiques, de la chronique familiale au portrait social, en passant par les codes du film d’horreur, pour montrer les répercussions d’une telle idéologie sur les mentalités et les rapports humains (délation, égoïsme, cruauté...) Et lorsque le film bascule dans une vendetta terrible organisée par celui que l’on définit d’habitude comme le "meilleur ami de l’homme", on entre alors littéralement dans une chasse à l’homme ultra-violente et déterminée.

Jouant d’une musique lyrique expressive et d’une mise en scène ample et précise, Kornel Mundruczó met tout son talent au service d’un sujet fort parcouru dès sa séquence d’ouverture par un souffle épique enthousiasmant. Au-delà du thème du film, et de son message sans équivoque, on est conquis par la précision du cadre, le sens du rythme et la virtuosité de caméra dont fait preuve le cinéaste. On est sans conteste face à une œuvre monumentale aux niveaux de lecture complexes qui ragaillardit quelque peu le cinéma européen contemporain en alliant crudité du regard, finesse de l’analyse et savoir-faire artistique au service d’une mise en garde universelle et atemporelle.

MpM



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