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The salvation

Sélection officielle - Hors compétition
/ sortie le 27.08.2014


ENCORE UNE FOIS DANS L'OUEST





"Ne jamais se battre si c’est perdu d’avance."

Un western danois ? Pas si surprenant, répond le réalisateur Kristian Levring, qui rappelle que "la majorité des personnes qui ont vécu au Far West étaient des immigrants européens". Cette petite coquetterie mise à part, The salvation se présente comme le digne héritier d’un genre mêlant ambiance crépusculaire, sécheresse scénaristique et mise en scène codifiée sur fond de conquête de l’ouest.

Entre le motif du vengeur solitaire et celui du hors-la-loi tout puissant, le film reprend en effet les ingrédients traditionnels du western classique auquel il rend hommage sans l’once d’une distanciation. Peut-être n’est-on pas tellement surpris par les rebondissements qui jalonnent l’intrigue, mais difficile de ne pas prendre plaisir à cette plongée implacable dans un monde littéralement régi par la loi du plus fort. La descente aux enfers sanglante et désenchantée du personnage principal (merveilleusement interprété par un Mads Mikkelsen plus torturé que jamais, dans la ligne de son interprétation de Michael Kohlhaas pour Arnaud des Pallières) est presque nihiliste dans sa violence et son intensité.

La palette chromatique désaturée et les clairs-obscurs saisissants forment par ailleurs un écrin parfait à cette histoire de noirceur humaine, où la corruption, l’avilissement et la sauvagerie engluent les hommes aussi sûrement que le pétrole piège les oiseaux. L’analogie est d’autant plus prégnante que le précieux carburant est la source du véritable cancer social qui détruit la petite communauté.

Dans cette opposition classique entre le bien (symbolisé par la famille, le travail et les valeurs morales) et le mal, ce n’est pas tant le combat qui importe que l’implacable tragédie qui s’enclenche. Pour rendre justice, le personnage se transforme ainsi en machine à tuer que plus rien n’atteint, quitte à basculer lui aussi dans une spirale de violence impitoyable. Le film offre d’ailleurs une dernière partie quasi apocalyptique en forme de Shoot’em up carrément jouissif, où explose en touches sèches la quasi bestialité du justicier. Dans cette traque sans échappatoire, les hommes deviennent alors des proies que l’on saigne, transperce, abat ou mutile sans sourciller.

Aucun retour en arrière n’est d’ailleurs plus possible pour le vrai faux héros, qui devient un paria à son tour. Il prend même symboliquement le relais auprès de la jeune femme qui était la "protégée" de son ennemi mort (on est en 1870 dans l’Ouest américain, il s’agit donc en réalité d’un euphémisme pour désigner l’esclave sexuelle des hors-la-loi). On est en droit de grincer des dents devant ce happy end relativement peu féministe… D’autant qu’il faut bien le reconnaître, ce personnage féminin pourtant extrêmement ambigu manque singulièrement d’épaisseur. D’une manière générale, dans The salvation, les femmes sont des victimes à la merci des hommes qui les entourent, qui peinent à prendre leur propre destin en mains. Curieusement, Kristian Levring s’avère sur ce plan à parfait contre-courant des westerns "féminisés" qui ont fleuri avec True grit, Gold ou The homesman.

MpM



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