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The Disappearance of Eleanor Rigby (The Disappearance of Eleanor Rigby)

Certain Regard
USA


Le film commence avec l’apparition d'Eleanor (Jessica Chastain) qui va essayer de disparaître de la vie de Conor (James McAvoy)… Autrefois ils formaient un couple heureux, mais après avoir été frappés par une tragédie, ils ont eu le sentiment d'être des étrangers l'un pour l'autre et ils se sont séparés. On va les découvrir chacun dans leur côté, essayant de renouer le contact ensemble, avec leurs proches, et surtout avec eux-mêmes.





“Tragedy is a foreign country : we don’t know how to talk to the natives”

Le film se déroule avec en permanence un sentiment de mélancolie et d’infinie tristesse qui est contrebalancé par de nombreuses séquences légères et drôles. L’histoire est racontée par petites touches de manière progressive : on découvre d’abord les personnages puis leurs liens. On voit Eleanor, puis on voit Conor dont on apprendra plus tard qu’il a été son mari, chez la famille de Eleanor on retire du mur une photo pour éviter une crise de larmes, le père de Conor ne sait pas comment parler de ce dont on lui a interdit de parler… Le drame le plus terrible et le plus insupportable s’est déjà produit, le spectateur découvre ce dont il s’agit en cours de film avec différentes allusions.

Le réalisateur Ned Benson a voulu explorer "comment deux êtres peuvent vivre la même expérience, de manière si différente." Eleanor a fui sa vie d’avant, sa famille et son mari, jusqu’à se retrouver seule ; tandis que Connor s’est efforcé de continuer comme avant, souffrant en plus de la disparition de son épouse. Durant deux heures, on verra en pointillés, avec quelques flashbacks et des ellipses, comment deux personnes qui ont été amoureuses pourraient essayer de ranimer le souvenir de leur couple. La parole sera une véritable catharsis, avec des confidences intimes pour rapprocher des douleurs et de l’humour pour soigner de la gravité. Eleanor et Connor vont suivre deux chemins différents et parallèles.

“All the lonely people, where do they all come from”

Le nom d'Eleanor Rigby est aussi celui d’un titre des Beatles, une chanson qui en fait pourrait résumer le film : deux amants solitaires et le récit de ce qu’ils ont dû traverser. Le projet original était de raconter l’histoire d’un même drame et ses conséquences selon deux points de vue. Dès le début, ces deux versions devaient former deux films différents (à découvrir l’un après l’autre, mais dans n’importe quel ordre). Il y a donc l’histoire d'Eleanor avec The Disappearance of Eleanor Rigby : Her et celle de Connor avec The Disappearance of Eleanor Rigby : Him où tout deux essayent de surmonter ce drame en étant séparés, avec peu de scènes ensemble, sauf quelques souvenirs de leur couple avant et des tentatives de se retrouver. Bien qu’artistiquement ces deux films soient une réussite (ils avaient été découverts au festival de Toronto), commercialement ils représentaient un risque d’échec (combien de salles auraient sorti les deux films en même temps ?)… Comme dans l’économie de la distribution des films on préfère éviter les risques et favoriser les perspectives, alors la décision fut prise de faire un remontage avec le meilleur des deux films pour présenter un seul long métrage au plus grand nombre. Il y a eu environ 70 minutes de scènes qui ont été retirées, pour une version plus courte, mais The Disappearance of Eleanor Rigby : Them raconte bien la même histoire.

Certains pourront considérer cette version comme incomplète (comme par exemple Nymphomaniac de Lars Von Trier raccourci à 4h alors que la version longue dure 5h30) mais d’autres trouveront ce film plus concis bien meilleur (Spike Jonze avait un premier montage de 2h30 pour Her avant d’aller à l’essentiel en 2h). Le montage apparaît en effet très pertinent, puisqu'on découvre les mêmes évènements en même temps pour les deux personnages.

“On est en grand danger de sentimentalité”

Pour son premier long-métrage, Ned Benson avait une noble ambition : réaliser un grand film romantique, pas du tout du genre "romance à l’eau de rose" qui conte les épreuves de séduction mais plutôt du style "les histoires d’amour finissent mal en général", avec l’épreuve du temps qui passe. C’est un pari difficile de brasser des thèmes aussi vastes que l’amour et l’amitié, la vie et la mort, le couple et les sentiments, tout en étant original, et en faisant naître l’émotion chez les spectateurs. Ned Benson n’évite pas certains clichés typiques (partir en courant d’un restaurant sans payer, faire l’amour dans une voiture, une virée en boite pour s’étourdir, se comparer à ses parents…) mais ils sont justifiés dans le sens où, s'ils ne servent pas l’histoire, ils permettent plutôt de révéler un trait de caractère du personnage.

Certaines balises avaient déjà été posées dans des films récents dont la fraîcheur a fait des références, comme Garden state de Zach Braff, Eternal sunshine of the spotless mind de Michel Gondry, 500 jours ensemble de Marc Webb, Blue Valentine de Derek Cianfrance, About time de Richard Curtis, Celeste and Jesse Forever de Lee Toland Krieger… Les héros sont ancrés dans un quotidien plutôt crédible, autour d’eux existent beaucoup de personnages différents, la chronologie de la narration est bousculée, il y a quelques références à la pop-culture notamment avec la musique…

Ici les héros Jessica Chastain et James McAvoy sont ainsi entourés de Ciaran Hinds, William Hurt et Isabelle Huppert pour les parents, Bill Hader en meilleur ami, Jess Weixler en sœur confidente, Viola Davis en professeur réconfortante. Ces rôles secondaires apporte des respirations distrayantes et ils ont chacun leur moment-clé, ou au moins une réplique importante, comme "je ne sais plus comment faire pour être ton ami".

Mais le secret de The Disappearance of Eleanor Rigby, c’est l’apparition d’une Jessica Chastain aux multiples visages. On la voit juvénile et insouciante avec des cheveux longs, abattue et dépressive avec des cheveux courts, elle danse devant les phares d’une voiture, elle pleure à l’entrée d’un métro sous la pluie... bref, elle passe par toute une palette d’émotions qui nous fait partager les états d’âme de son personnage.

Pourtant, The Disappearance of Eleanor Rigby : Them a beau être autant une déclaration d’amour à la vie qu'au cinéma, il y a fort à parier qu'il ne connaîtra pas un large succès public dans l’immédiat. En revanche, on lui promet un immense succès d’estime sur la durée. Car ceux et celles qui l’auront vu avec la larme à l’œil s’en reparleront plus tard avec des étoiles plein les yeux.

Kristofy



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