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Jimmy's Hall

Sélection officielle - Compétition
/ sortie le 02.07.2014


LE VENT SE LEVE





"Quel est cet engouement pour le plaisir ?

Ken Loach poursuit son exploration de l'Histoire récente irlandaise avec l'histoire vraie de Jimmy Gralton, un fermier progressiste qui créa au début des années 20, puis en 1932, un espace de liberté, d'enseignement et de réflexion ouvert à tous, appelé le "Hall". On voit tout de suite ce qui a fasciné Ken Loach à la fois dans ce personnage de libre-penseur déterminé à propager le savoir parmi les couches sociales les moins favorisées de son pays et par le combat inégal qui l'opposa alors à une alliance conservatrice réunissant l'Eglise, les grands propriétaires terriens et les groupuscules fachistes. La culture et l'ouverture d'esprit contre l'obscurantisme et l'intolérance, voilà des thèmes récurrents dans la filmographie du cinéaste.

On pense d'ailleurs immédiatement à son chef d’œuvre Le Vent se lève, palme d'or en 2006, qui racontait la lutte pour l'indépendance de 1920 avec le même esprit de liberté et d'humanisme que Jimmy's hall. Les héros des deux films ont en effet beaucoup en commun, et notamment leur espoir d'un avenir meilleur et leur refus de la compromission. Dans Jimmy's hall, le prêtre du village (grand ennemi de Jimmy) fait d'ailleurs remarquer avec dépit que celui-ci est "incorruptible". En un sens, même le prélat admire l'abnégation et la force morale de cet homme simple qui ose s'élever contre lui. Le parfait archétype du héros charismatique prêt à risquer sa vie pour améliorer celle des autres, magistralement interprété par un Barry Ward tout en nuances.

Car ce qui se joue autour de l'existence du Hall, c'est la possibilité pour les populations les plus modestes d'avoir un lieu à eux, où ils peuvent se réunir pour parler, réfléchir mais aussi s'organiser contre l'injustice. Ken Loach montre en effet que le désir d'émancipation de la jeunesse se double d'enjeux éminemment politiques comme le fait d'accéder directement au savoir (sans être contrôlé par l'Eglise ou l'Etat) et de prendre son propre destin en mains. Jimmy et ses proches dénoncent ainsi l'alliance contre-nature de l'Eglise et des plus puissants et s'opposent concrètement à l'expropriation arbitraire d'une famille de fermiers par un grand propriétaire. Ils fustigent également la situation sociale et économique du pays, ravagé par la crise terrible de 1929, elle-même générée par les abus et les excès du système. Un discours conçu pour faire écho à la situation mondiale et à l'inconscience des dirigeants qui répètent encore et encore les mêmes erreurs.

L'histoire, en effet se répète, comme vient le rappeler le long flash-back du début, dans lequel Jimmy est déjà poursuivi par les autorités en 1922 pour avoir créé le Hall. Ce passage a immédiatement quelque chose de prémonitoire qui vient contrebalancer la beauté de la nature verdoyante, l'accueil bon enfant qui lui est réservé à son retour, ou encore les nombreux passages où le film flirte avec la comédie. Cette légèreté de ton, couplée à une construction extrêmement minutieuse, où chaque scène permet de faire avancer significativement l'intrigue, fait de Jimmy's hall une nouvelle démonstration du talent du cinéaste lorsqu'il s'agit de dépeindre avec élégance et sensibilité une situation sociale donnée. Comme toujours, la simplicité et la précision de son montage comme de sa mise en scène évitent tout effet didactique ou appuyé. Quoique très engagé, Jimmy's hall n'est pas un réquisitoire à charge, mais plutôt le portrait délicat et généreux d'une époque.

Et si l'on regarde bien, on peut même voir dans le personnage de Jimmy un double assumé du réalisateur qui affirme depuis toujours l'importance cruciale de l'art, de l'éducation et de l'engagement personnel dans l'éternel combat pour un monde meilleur.

MpM



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