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La chambre bleue

Certain Regard
France / sortie le 16.05.2014


LE BLEU EST UNE COULEUR CHAUDE





"La vie est différente quand on la vit et quand on l'épluche après coup

Que s'est-il passé dans la chambre bleue ? Voilà la question lancinante qui hante le nouveau long métrage de Mathieu Amalric, adapté d'un roman de Georges Simenon. Ce polar noir et vénéneux est construit comme un gigantesque flash-back induit par les nombreux interrogatoires poussés que subit le personnage principal incarné par Amalric lui-même. Pendant la majorité du film, on ignore donc qui est mort, ou en quelles circonstances, et le doute plane sur l'identité du ou des coupables au-delà du dénouement final.

Les plans sont courts, stylisés, composés de manière à faire ressortir le détail d'une scène, ou à en fixer le souvenir. On est ainsi moins dans une narration fictionnelle que dans la reconstitution permanente d'un passé dont chaque élément est crucial. Cette fragmentation du temps et des séquences souligne l'aspect froid et clinique d'une enquête qui, loin des clichés des séries américaines, se déroule dans le bureau d'un juge fatigué, sans scènes d'action spectaculaire, mais avec d'épais dossiers remplis de témoignages, de factures et de justificatifs, et surtout un flux ininterrompu de questions répétitives.

Les personnages, eux-mêmes comme glacés par ce qui leur arrive, ont la mine blafarde et le regard fixe. Ils sont dociles mais déjà résignés, peut-être parce que leur sort s'est scellé bien avant, dans la moiteur sensuelle d'une chambre d'hôtel. On a l'impression d'une mécanique implacable qui se serait mise en route d'elle-même, et que personne n'est en mesure d'arrêter. Le film atteint ainsi parfois des accents tragiques, ou tout au moins prémonitoires, notamment par l'utilisation qu'il fait des insectes, ces fameux "bugs" qui viennent gâcher les moments de paix. Une mouche sur le ventre nu d'Esther, une guêpe sur la glace de Suzanne...

Le format resserré du film (qui dure à peine 75 minutes) lui confère par ailleurs une nervosité, presque un sentiment d'urgence, qui fait écho aux sentiments intérieurs des personnages, magnifiquement révélés par la sublime musique de Grégoire Hetzel, tour à tour inquiétante et passionnée. Le classicisme de l'intrigue (une femme fatale, un couple d'amants maudits...) est ainsi sublimé par la mise en scène claustrophobe et glacée d'Amalric, qui transforme son adaptation en exercice de style brillant. Seul bémol à ce concert de louanges, l'épilogue du récit, bien plat en regard des attentes suscitées par l'atmosphère mystérieuse et ambivalente du reste du film.

MpM



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