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For Those in Peril

Semaine critique - Films en sélection
Royaume Uni / sortie le 12.02.2014


C’EST PAS L’HOMME QUI PREND LA MER…





«- T’aurais jamais du revenir.»

Etrange sans être dérangeant, réaliste mais onirique : For those in Peril flirte avec un cinéma social anglais, à la Loach, et un délire plus proche des contes et légendes de notre enfance.
C’est l’histoire d’un survivant qui va regretter d’avoir survécu. L’histoire aussi d’une communauté qui va rejeter l’un des siens, par peur comme par colère, par sentiment d’injustice comme par méfiance. Tout le monde est sur le fil. Il n’y a pas que la mer qui est périlleuse : sur terre, la folie gagne les êtres.

Avec grâce et subtilité, le récit s’imprègne de cette dérive vers les délires schizophréniques d’un ado encore boutonneux et souligne le vide causé par la mort de ces jeunes hommes, avalés par le démon des mers. La présence du premier rappelle l’absence des autres.

La caméra opte pour des points de vue différents : caméras personnelles pour des témoignages, subjectifs, caméra à l’épaule pour accentuer le réalisme, reportages sur le drame, images plus sensorielles pour des séquences plus longues ou scènes hallucinogènes qui nous font entrer dans l’esprit d’un jeune homme mal dans sa peau, refoulant sa violence et niant sa démence.

Ainsi le film traite de la malédiction, sans trop de fioritures. Avec les moyens du bord. Mélangeant ce passé idéalisé (dans un premier temps) avec des souvenirs qu’on ressasse et ce présent oppressant (avec une mer ensorcelante), For those in Peril nous fait tanguer entre diverses sensations. Avec une facilité déconcertante, le passé et le présent se fracassent en permanence comme les vagues se jettent sur les rochers.

Sans être vraiment surpris par la forme, on reste captivé par la parcours d’Aaron, ni vraiment beau ni vraiment ingrat. Rejeté par tous tandis que l’océan refuse de rejeter les corps des victimes, il est illuminé mais jamais filmé comme tel. Il est avant tout seul. Cinglé mais triste. Le scénario est pourtant peuplé de nombreux autres visages, de personnes traumatisées, de gens tout aussi fous.

Et puis il y a cette mère, cette Piéta qui supporte et même porte son fils, ce fils qui macule de sang les murs et entend des voix. Le sacrifice (et la scarification) amène le film vers une dimension mystique. Paranormale. C’est un peu maladroit mais cela permet à l’histoire de ne pas se noyer dans un drame ordinaire. Il faudra bien apaiser toute cette tension sourde, donner raison à chacun, continuer à croire aux superstitions…

Ce deuil impossible nous séduit surtout par la beauté de la lumière, qui sait explorer le symbolisme qu’il sous entend. On peut regretter que la réalisation n’aille pas jusqu’au bout : en déraillant comme son « héros », en séparant davantage le monde de cet ado qui voudrait rester un gamin et de ces adultes anéantis par la tragédie. L’excès n’est pas de ce film. Sa métamorphose n’est pas transformée ou soulignée par de quelconques effets. Le film reste humble (en ce sens, la fin est d’autant plus surprenante, par effet de contraste).

Ainsi For those in Peril arrive à nous saisir d’effroi et, parallèlement, à nous faire chavirer vers une émotion indicible, comme si nous étions soulagés. Ce n’est pas si mal pour un film si modeste qui révèle un talent à suivre, celui du réalisateur et scénariste Paul Wright.

vincy



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