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Zulu

Sélection officielle - Fermeture
France / sortie le 04.12.2013


LES SENTIERS DE LA PERDITION





« - Tu vas défoncer la vitre avec ta tête ?
- Pour une fois je me sers de ma tête…
»

Jérôme Salle poursuit son exploration du thriller hollywoodien. Après l’alambiqué et sophistiqué Anthony Zimmer et les deux volets « testostéronés » de Largo Winch, le voici maître d’un polar noir et violent situé en Afrique du Sud.

Zulu évince toute complication scénaristique en se concentrant sur un récit relativement binaire, dans une spirale infernale, où une enquête s’achève en western. De questionnements sur le pardon (humain) et la réconciliation (des peuples), nous aboutissons à une banale vengeance de fureur et de sang.

Cela n’efface en rien l’efficacité de l’ensemble, notamment grâce à un bon cadrage et des décors soignés. Avec son duo de flic, un « serial fucker » alcoolo et un eunuque sain de corps et d’esprit, il nous emmène des labyrinthiques et surpeuplés « townships » où sévissent drogues et disparitions d’enfants, au sublime désert namibien, des années 70 empoisonnées par l’Apartheid aux années 2000 en quête de paix communautaire.

Sans prendre de risques, Jérôme Salle livre un film assez stéréotypé mais suffisamment tendu pour nous happer. Honnête sans être malin. Orlando Bloom, qu’on découvre à poil, avec tatouages et flingue, n’a toujours pas de charisme. Mais la présence de Forrest Whitaker permet de donner une tonalité plus singulière et plus dramatique à cette histoire de complot.

On reste perplexe sur le message politique (la réconciliation n’est qu’un discours politique, inapplicable dans la réalité) et la critique portée à Mandela. Sans doute parce qu’il n’approfondit pas l’enjeu. Cela reste un bruit de fond au milieu de cette sauvagerie ambiante. En alliant le noir avec le blanc, le flic hanté par ses traumas avec celui incapable de se relever de sa propre déchéance, il tente malgré tout de prouver que les choses ont changé, que du bas de la Pyramide on peut encore atteindre et attaquer le sommet, forcément pourri.

Tout cela pour justifier quelques tueries aveuglément meurtrières, parfois complaisamment filmées. Salle semble jouir de ce spectacle de destruction. L’horreur, sous prétexte qu’elle est quotidienne et indifférente, est censée être plus terrifiante. Pourtant à trop singer Hollywood, il en oublie un cadre moral, une perspective factuelle. Tout cela ne devient qu’une bonne chasse à l’ordure contemporaine. Il ne parvient jamais à délimiter les causes et les conséquences de l’apartheid et de l’arrivée de Mandela au pouvoir. Son film élargit ses horizons géographiques mais resserrent son propos sur une sorte de « james bonderie » où un vilain cherche à manipuler et tuer les masses. Les armes grossissent à mesure que la réflexion se rapetisse.

En virant à l’invraisemblable côté enquête et à l’excès côté action, Salle rate l’ambition de réaliser un grand film noir sur l’ambiguïté humaine. La perdition plutôt que la rédemption. Chacun de ses héros aura son salaud en ligne de mire. De quoi soulager sa conscience.

C’est bien la zone floue de Zulu. Le film démontre mathématiquement que le passé ne peut être assumé sans vérité (et donc sans justice) et parallèlement, le présent prouve qu’il y a besoin de temps pour qu’il soit digéré, pour qu’un autre monde soit possible. Jamais les deux flics n’auraient pu travailler ensemble sans la « réconciliation » de Mandela. Mais, plutôt que de traîner en justice les responsables d’un passé atroce, génocidaire, on préfère basiquement les assassiner. Pas de vérité possible.

Alors on se rattrape sur le portrait social de ce pays : Salle convainc davantage, en exposant la fracture entre riches et pauvres, entre gens chics et habitants de bidonvilles. L’injustice perdure : elle n’est plus raciale, elle est économique. « Ça devient de pire en pire ici » entend-on. De fait. Les salauds n’ont plus de limites, et qu’il soient noirs ou blancs n’a plus d’importance. Là aussi il y a désormais égalité. A défaut de fraternité.

vincy



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