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Magic magic

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
USA / sortie le 28.08.2013


POSSESSION





L’adolescence au cinéma est presque un poncif. L’isolement d’un petit groupe coupé du reste du monde et confronté à des événements paranormaux est un passage obligé du film d’horreur. Sebastián Silva mêle les deux et livre une oeuvre atypique et oppressante qui ne part jamais dans la direction attendue. Pas vraiment film de genre (bien qu’il en utilise certains codes), au-delà du simple portrait de groupe, Magic magic crée une ambiance délétère et anxiogène qui sème le trouble dans l’esprit du spectateur, le mettant ainsi au même niveau que l’héroïne.

Le réalisateur construit cette atmosphère en trois temps. D’abord, il joue sur la sensation de "choc culturel" qui s’abat sur Alicia à son arrivée à Santiago : fatigue, chaleur, langue inconnue… Immédiatement, elle est isolée au milieu du groupe qu’elle intègre. En parallèle, la mise en scène altère la réalité des situations. Tout semble artificiel, presque déformé. Les sons sont comme amplifiés, menaçants. Le moindre geste donne l’impression de cacher une anomalie ou un danger. Comme si, à travers le regard de la jeune fille, on ne parvenait plus à décoder correctement des situations pourtant familières.

Enfin, Sebastián Silva sème tout au long du récit des indices mortifères en forme d’avertissements rudimentaires. La route d’Alicia est ainsi parsemée d’animaux morts qu’elle contemple avec un effroi un peu supérieur à la normale. Le pourrissement et la décrépitude envahissent son univers. Elle devient une proie au milieu de prédateurs invisibles.

Le comportement de la jeune femme, ouvertement déviant, oscille ainsi entre une angoisse justifiée et une folie pernicieuse. Tantôt bravache, tantôt démunie, Juno Temple compose un personnage subtilement opaque et troublant. Face à elle, Michael Cera, Emily Browning, Catalina Sandino Moreno et Agustin Silva forment un quatuor équilibré représentatif d’une jeunesse insouciante et égoïste, peu familière avec les responsabilités et pas du tout préparée au drame. Alors, lorsqu’il surgit dans les dernières séquences, tendues et abruptes, c’est un nouveau choc pour les personnages comme pour les spectateurs, qui portent rétrospectivement un regard radicalement différent sur le reste des événements. Mi pervers, mi cruel, Sebastián Silva attend la toute fin du film pour révéler ses intentions, et dévoiler enfin le sens de son titre jusque-là mystérieux, et soudain plein d’une ironie glaçante.

MpM



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