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The immigrant

Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 27.11.2013


LA NUIT NOUS ABANDONNE





"Est-ce un pêché d’avoir voulu survivre ?"

La séquence d’ouverture donne le ton : des brumes mélancoliques (sur fond de violons qui gémissent) surgit soudain la Statue de la Liberté. Aux yeux d’Ewa et de sa sœur Magda, c’est l’Eldorado qui ouvre amicalement ses bras. En réalité, c'est un clin d'oeil ironique du destin. Car le rêve américain est décevant, voire douloureux.

Dans l’imaginaire de James Gray, il est même d’une cruauté exemplaire, et tous les maux du monde s’abattent en quelques séquences sur les deux malheureuses jeunes filles. Ewa tombe entre les mains d’un souteneur manipulateur (mais au grand cœur) qui la convainc de se prostituer pour sauver sa sœur atteinte de la tuberculose. N’en jetez plus, la cour des malheurs est pleine. Et pourtant, quelques rebondissements convenus en rajoutent une tonne dans la donne misérabiliste.

A ce scénario indigeste et extrêmement prévisible, James Gray adjoint une ambiance de mélodrame pompier, desservi par une musique perpétuellement appuyée . Même les personnages manquent d’épaisseur psychologique, opposant de manière simpliste la victime pure et belle au bourreau sans scrupule. N’ayez crainte, il finira par être bien puni de ses exactions. Plus moralisateur, tu meurs.

Mais peut-être la clef du film se trouve-t-elle dans le (très beau) travail réalisé sur la composition et l’esthétique des images. Les tons sépias donnent en effet l’impression d’un film jauni par le temps, allant de pair avec une mise en scène académique et lisse. Même si certaines séquences font l’effet de tableaux de Georges de la Tour, éclairés à la bougie, avec des jeux de clair-obscur fabuleux, l’ensemble a un petit quelque chose de poussiéreux qui déçoit.

D’autant que l’interprétation passe-partout de Marion Cotillard, ajoutée à la froideur impersonnelle du style, ne parvient pas à créer d’émotion communicative. Finalement, le personnage le plus touchant s’avère celui incarné par Joaquin Phoenix, qui est condamné à voir celle qu’il aime dans les bras d’autres hommes. C’est lui, et lui seul, qui a tissé son propre malheur, donnant à son destin des accents de tragédie antique.

Sans doute est-ce d’ailleurs l’élément le plus moderne du film. Car on perçoit dans The immigrant la douleur et la solitude d’êtres déracinés, en exil dans un pays dont ils n’ont pas les clefs, et la manière insidieuse dont ils en viennent à s’exploiter les uns les autres. Ce constat terrible d’une société hypocrite qui ne fait rien pour accueillir dignement ceux qui ont fait le choix de venir vivre sur leur territoire, se décode facilement à travers le prisme de l’époque contemporaine. James Gray montre ainsi les incohérences d’un système qui a pourtant permis à l’une des plus importantes nations du monde de devenir aujourd’hui ce qu’elle est. En parallèle, il apporte sa propre variation à l’air bien connu de "l’Homme est un loup pour l’Homme"... surtout quand il s’agit d’une femme.

MpM



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