39-98 | 99 | 00 | 01 | 02 | 03 | 04 | 05 | 06 | 07 | 08 | 09 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19


 
 
Choix du public :  
 
Nombre de votes : 18
 












 
Partager    twitter



festival-cannes.com

 

Nebraska

Sélection officielle - Compétition
USA


TEL PÈRE, TEL FILS





" J’ignorais que ce con voulait devenir millionnaire. Il aurait pu y penser avant et travailler plus. "

En filmant en noir et blanc les étendues immenses (et vides) du Midwest américain et des villes fantômes perdues au milieu de nulle part, Alexander Payne dessine en premier plan le portrait d’une famille d’américains moyens et en arrière plan le décor d’une Amérique qui a des airs de mouroir. Cette ode à l’Amérique profonde est également un blues nostalgique qui rend hommage à un cinéma disparu. Ici aucun American Dream, ni même d’Américains "winners".

A partir de ce tableau, le réalisateur s’amuse avec une épopée aussi loufoque que touchante, et même très émouvante. Le scénario est finement écrit, la mise en scène sans accros et tous les acteurs formidables. Bruce Dern en lunatique un peu sénile et June Squibb en épouse solide et affectueuse forment l’un des plus beaux couples "senior" du cinéma, qui se sublime lorsqu’elle le recoiffe et l’embrasse tendrement. C’est à ces petits détails que le cinéma de Payne trouve son ton le plus juste.

Nos rires (dialogues exquis et souvent hilarants) font ainsi place aux yeux mouillés, comme souvent avec les comédies dramatiques et mélancoliques du réalisateur. Comme son Monsieur Schmidt il y a quelques années ou Alvin et son tracteur dans Une histoire vraie de David Lynch, il s’agit de filmer la crépuscule d’une vie à travers un chant du cygne, une ultime raison de vivre qui donne un sens à ce déclin inéluctable. A cela s’ajoute qu’il faut supporter une vie de merde où les rancoeurs du passé rivalisent avec la cupidité et la perfidie de ceux qui vous entourent.

A l'instar de Schmidt et Alvin, Woody va se lancer, avec son fils (le plus sensible des deux) dans un voyage plus généalogique que géographique. L’aventure est une exploration des archives familiales autant que la dernière possibilité pour un fils de connaître ses origines, et son père. Si le but du voyage est connu d’avance, les conséquences ne seront pas celles attendues. Film généreux autant que sarcastique, il prend parti pour les dingos qui sont aller s’installer loin de ce bled paumé et se moque ouvertement des dégénérés qui y sont restés (et ne comprennent pas qu’on puisse acheter des voitures étrangères).

Payne a toujours aimé ceux qui prennent des risques, aussi modestes soient-ils. Ce sont eux qui ont sa sympathie. Ils préfèrent les extravagants ordinaires aux vautours hypocrites. Et là, le cinéaste n’est pas tendre : les répliques sont cinglantes, les gueules bien choisies, la bêtise et la méchanceté toujours plus crasses.

Ce voyage au bout de la vie est un de ces "feel good movie" humbles qui nous hantent. Le parti pris artistique et le choix d’anciennes gloires ou de nouvelles têtes pour le casting offrent au cinéaste une grande liberté : une échappée dans les plaines de son enfance, pour mieux partager quelques savoureux moments avec le public. A l'image de l’épilogue, Payne a sans doute voulu nous offrir affectueusement un cadeau. C’est réussit. On l’en remercie.

vincy



(c) ECRAN NOIR 1996-2024